Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/257

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Elle se jeta sur ses genoux et l’embrassa dans une étreinte délirante.

« Je t’aime ! je t’aime ! Jamais je n’ai senti ce que je sens. Dieux ! je sais donc ce que c’est que d’être amoureuse ! Tu le vois, mon aimé, je te donne plus, moi, que je ne t’avais promis avant-hier. Moi, qui n’ai jamais désiré personne, je ne pouvais pas penser que je changerais si vite. Je ne t’avais vendu que mon corps sur le lit, maintenant je te donne tout ce que j’ai de bon, tout ce que j’ai de pur, de sincère et de passionné, toute mon âme, qui est vierge, Démétrios, songes-y ! Viens avec moi, quittons cette ville pour un temps, allons dans un lieu caché, où il n’y ait que toi et moi. Nous aurons là des jours comme il n’y en eut pas avant nous sur la terre. Jamais un amant n’a fait ce que tu viens de faire pour moi. Jamais une femme n’a aimé comme j’aime : ce n’est pas possible ! ce n’est pas possible ! Je ne peux presque pas parler, tellement j’ai la gorge étouffée. Tu vois, je pleure. Je sais aussi, maintenant, ce que c’est que pleurer : c’est être trop heureuse… Mais tu ne réponds pas ! tu ne dis rien ! Embrasse-moi… »

Démétrios allongea la jambe droite afin d’abaisser son genou qui se fatiguait un peu. Puis il fit lever la jeune femme, se leva lui-même, secoua son vêtement pour aérer les plis, et dit doucement :