Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/274

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Un tonnerre de cris éclata. La joie, l’enthousiasme de tout un peuple chantait dans un indescriptible tumulte d’allégresse au pied des murailles du Phare.

La cohue qui couvrait la jetée afflua violemment dans l’île, envahit les rochers, monta sur les maisons, sur les mâts de signaux, sur les tours fortifiées. L’île était pleine, plus que pleine, et la foule arrivait toujours plus compacte, dans une poussée de fleuve débordé, qui rejetait à la mer de longues rangées humaines, du haut de la falaise abrupte.

On ne voyait pas la fin de cette inondation d’hommes. Depuis le palais des Ptolémées jusqu’à la muraille du Canal, les rives du Port-Royal, du Grand-Port et de l’Eunoste regorgeaient d’une masse serrée qui se nourrissait indéfiniment par les embouchures des rues. Au-dessus de cet océan, agité de remous immenses, écumeux de bras et de visages, flottait comme une barque en péril la litière aux voiles jaunes de la reine Bérénice. Et d’instant en instant s’augmentant de bouches nouvelles, le bruit devenait formidable.


Ni Hélène, sur les portes Scées, ni Phryné dans les flots d’Eleusis, ni Thaïs faisant allumer l’incendie de Persépolis n’ont connu ce qu’est le triomphe.