Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/288

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Chrysis égarée leva la tête.


— Allons, ma fille, reprit le geôlier. C’est le moment. La ciguë est toute broyée. Il n’y a plus vraiment qu’à la prendre. N’aie pas peur. On ne souffre point.


Chrysis regarda Démétrios, qui ne détourna pas les yeux.

Ne cessant plus de fixer sur lui ses larges prunelles noires entourées de lumière verte, Chrysis tendit la main à droite, prit la coupe et lentement la porta à sa bouche.

Elle y trempa les lèvres. L’amertume du poison et aussi les douleurs de l’empoisonnement avaient été tempérées par un narcotique miellé.

Elle but la moitié de la coupe, puis, soit qu’elle eût vu faire ce geste au théâtre, dans le Thyestès d’Agathon, soit qu’il fût vraiment issu d’un sentiment spontané, elle tendit le reste à Démétrios… Mais le jeune homme déclina de la main cette proposition indiscrète.

Alors la Galiléenne prit la fin du breuvage jusqu’à la purée verte qui demeura au fond. Et il lui vint aux joues un sourire déchirant où il y avait bien un peu de mépris.


« Que faut-il faire ? » dit-elle au geôlier.

— Promène-toi dans la chambre, ma fille,