Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 5.djvu/131

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tout en haut de ses cuisses, et elle portait aux pieds de petits souliers sonores qui claquaient sur le parquet. Je n’osai pas interrompre. J’avais peur de la tuer.

Hélas ! mon Dieu ! jamais je ne l’ai vue si belle ! Il ne s’agissait plus de ses yeux ni de ses doigts : tout son corps était expressif comme un visage, plus qu’un visage, et sa tête enveloppée de cheveux se couchait sur l’épaule comme une chose inutile. Il y avait des sourires dans le pli de sa hanche, des rougissements de joue au tournant de ses flancs ; sa poitrine semblait regarder en avant par deux grands yeux fixes et noirs. Jamais je ne l’ai vue si belle : les faux plis de la robe altèrent l’expression de la danseuse et font dévier à contresens la ligne extérieure de sa grâce ; mais là, par une révélation, je voyais les gestes, les frissons, les mouvements des bras, des jambes, du corps souple et des reins musclés naître indéfiniment d’une source visible : le centre même de la danse, son petit ventre noir et brun.

… J’enfonçai la porte.

La regarder dix secondes et me jurer que je ne l’assassinerais pas, c’était tout ce que ma volonté avait pu faire. Et maintenant rien ne me retiendrait plus.

Des cris perçants m’accueillirent. J’allai droit à Concha et je lui dis d’une voix brève :