Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 5.djvu/159

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« Rentrons. Je te réserve une surprise. »

Et je pensai :

« Moi aussi. »

Mais je n’ouvris pas la bouche.

Nous montâmes l’escalier de la véranda. Elle courait en avant et chantait un air de zarzuela connue avec une lenteur qui voulait sans doute m’en faire mieux sentir l’allusion :


«¿ Y si a mi no me diese la gana
De que fueras del brazo con el ?
— ¡ Pues iria con el de verbena
Y a los toros de Carabanchel ! »


De son propre mouvement elle entra dans une pièce… Monsieur, ce n’est pas moi qui l’ai poussée là… ce qui est arrivé ensuite, ce n’est pas moi qui l’ai voulu… Notre destinée était ainsi faite… Il fallait que tout arrivât.

La pièce où elle entra, je vous la montrerai tout à l’heure, c’est une petite salle toute tendue de tapis, sourde et sombre comme une tombe, sans autres meubles que des divans. J’y allais fumer autrefois. Maintenant, elle est abandonnée.

J’y pénétrai derrière elle ; je fermai la porte à clef sans qu’elle entendît la serrure ; puis un flux de sang me monta aux yeux, une colère amassée à jour depuis plus de quatorze mois, et, me retournant vers sa face, je l’assommai d’un soufflet.