Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 5.djvu/162

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l’ombre d’un reproche dans ces yeux-là, mais… je ne sais comment m’exprimer… une sorte d’adoration… D’abord ses lèvres tremblaient si fort qu’elle ne pouvait pas articuler… Puis je distinguai faiblement :

« Oh ! Mateo ! comme tu m’aimes ! »

Elle se rapprocha, toujours sur les genoux, et murmura :

« Pardon, Mateo ! Pardon ! je t’aime aussi… »

Pour la première fois, elle était sincère. Mais moi, je ne la croyais plus. Elle poursuivit :

« Que tu m’as bien battue, mon cœur ! Que c’était doux ! Que c’était bon… Pardon pour tout ce que je t’ai fait ! J’étais folle… Je ne savais pas… Tu as donc bien souffert pour moi ?… Pardon ! Pardon ! Pardon, Mateo ! »

Et elle me dit encore, de la même voix douce :

« Tu ne me prendras pas de force. Je t’attends dans mes bras. Aide-moi à me lever. Je t’ai dit que je te réservais une surprise ? Eh bien, tu le verras tout à l’heure, tu le verras : je suis toujours vierge. La scène d’hier n’était qu’une comédie, pour te faire mal… car je puis te le dire, maintenant : je ne t’aimais guère, jusqu’aujourd’hui. Mais j’étais bien trop orgueilleuse pour prendre un Morenito… Je suis à toi, Mateo. Je serai ta femme ce matin si Dieu veut. Essaye d’oublier le passé et de comprendre ma pauvre petite âme. Moi, je m’y perds.