Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 5.djvu/79

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— Non, dit-elle. Non. Non. Allez-vous-en.

— Oui, mais avec toi. Viens.

— Que je vous suive ? et où cela ? chez vous ? Mon ami, vous n’y comptez pas.

Je la repris dans mes bras, mais elle se dégagea.

— Ne me touchez pas, ou j’appelle ; et alors nous ne nous reverrons plus.

— Concha, Conchita, ma petite, es-tu folle ? Comment, je viens chez toi en ami, je te parle comme à une étrangère ; tout à coup tu te jettes dans mes bras, et maintenant c’est moi que tu accuses ?

— Je vous ai embrassé parce que je vous aime bien, mais vous, vous ne m’embrasserez pas sans m’aimer.

— Et tu crois que je ne t’aime point, enfant ?

— Non, je vous plais, je vous amuse ; mais je ne suis pas la seule, n’est-ce pas, caballero ? Les cheveux noirs poussent sur bien des filles, et bien des yeux passent dans les rues. Il n’en manque pas, à la Fabrique, d’aussi jolies que moi et qui se le laissent dire. Faites ce que vous voudrez avec elles, je vous donnerai des noms si vous en demandez. Mais moi, c’est moi, et il n’y a qu’une moi de San-Roque à Triana. Aussi je ne veux pas qu’on m’achète comme une poupée au bazar, parce que, moi enlevée, on ne me retrouverait plus.

Des pas montaient l’escalier. Elle se retourna vers la porte et ouvrit à sa mère.