Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 7.djvu/128

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pas un détail, pas un personnage, pas un fait, rien, littéralement rien, ce qui s’appelle rien… Six mois après avoir reçu cette confession, je changeais de paroisse ; la mère de la jeune fille devenait ma pénitente et moi le familier de sa maison. Il y a de ces hasards, n’est-ce pas ? J’appris successivement que jamais Mlle X… n’avait voyagé en Italie ; que son père était mort lorsqu’elle avait deux ans ; qu’elle avait toujours été fille unique et enfin que sa réputation restait inattaquable. Ainsi, non seulement l’histoire était fausse, mais il était matériellement impossible qu’elle fût véridique en l’une quelconque de ses parties, puisque les deux complices n’avaient pas existé. Ainsi tout le roman que vous venez d’entendre, — le premier inceste, le second, l’hôtel de Pise, l’appartement de Paris, le deuil, la scène violente, la confession de l’enfant, la lutte, le poison, — tout cela, et les mille détails que je ne vous ai pas dits, tout cela, je le répète, avait pris naissance dans le cerveau d’une vierge chrétienne qui n’allait même pas au bal tant elle fuyait les tentations.

L’abbé de Couézy se leva, et, terminant sa longue visite par un peu de latin et un peu de malice :

Lasciva pagina, dit-il, vita proba. Avec ces quatre mots si clairs on ferait le portrait moral d’une jeune fille.