Page:Louÿs - Aphrodite. Mœurs antiques, 1896.djvu/240

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en amour non loin de là lui mesurait le temps écoulé. Il lui sembla que cette femme gémissait ainsi depuis la veille. Elle aurait voulu tordre quelque chose, se casser les doigts, crier.

Enfin Séléné rentra, les mains vides.

« Le miroir ? demanda Bacchis.

— Il est… il n’est plus là… il est… il est… volé, » balbutia la servante.

Bacchis poussa un cri si aigu que tous se turent, et un silence effrayant suspendit brusquement le tumulte.


De tous les points de la vaste salle, hommes et femmes se rapprochèrent : il n’y eut plus qu’un petit espace vide où se tenaient Bacchis égarée devant l’esclave tombée à genoux.

« Tu dis !… tu dis !… » hurla-t-elle.

Et comme Séléné ne répondait pas, elle la prit violemment par le cou :

« C’est toi qui l’as volé, n’est-ce pas ? c’est toi ? mais réponds donc ! Je te ferai parler à coups de fouet, misérable petite chienne ! »

Alors il se passa une chose terrible. L’enfant, effarée par la peur, la peur de souffrir, la peur de mourir, l’effroi le plus présent qu’elle eût jamais connu, dit d’une voix précipitée :