Page:Louÿs - La Femme et le Pantin, 1916.djvu/153

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Combien de temps m’aimerez-vous ? »

Je redoute ces questions que posent toutes les femmes, et auxquelles on ne peut répondre que par les pires banalités.

« Et quand je serai moins jolie, m’aimerez-vous encore ?… Et quand je serai vieille, tout à fait vieille, m’aimerez-vous encore ? Dis-le moi, mon cœur. Quand même ce ne serait pas vrai, j’ai besoin que tu me le dises et que tu me donnes des forces. Tu vois je t’ai promis pour ce soir, mais je ne sais pas du tout si j’en aurai le courage… Je ne sais même pas si tu le mérites. Ah ! Sainte Mère de Dieu ! si je me trompais sur toi, il me semble que toute ma vie en serait perdue. Je ne suis pas de ces filles qui vont chez Juan et chez Miguel et de là chez Antonio. Après toi je n’en aimerai plus d’autre, et si tu me quittes je serai comme morte. »

Elle se mordit la lèvre avec une plainte oppressée, en fixant les yeux dans le vide, mais le mouvement de sa bouche s’acheva en sourire.

« J’ai grandi, depuis six mois. Déjà je ne peux