Page:Louÿs - Les aventures du roi Pausole, 1901.djvu/133

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tait pas d’inclination vers les messieurs. La force du mâle, le cou de taureau, les biceps comme des bouteilles et les pectoraux comme des tables… non, évidemment, ce n’était pas pour elle que les dieux avaient créé leur chef-d’œuvre. Elle n’aimait ni la moustache, ni la barbe, ni le menton bleu. Oh ! cela ne l’empêchait pas d’accepter un ami, et même un ami inconnu, quand on l’en priait poliment. Elle passait pour se livrer en dehors de tout spectacle aux exercices les plus recherchés, et, là comme en scène, sa conscience d’artiste l’obligeait à feindre une exaltation qui ne l’agitait pas à cet instant même. Ces petits ballets particuliers où elle mimait un rôle si tendre ne faisaient point qu’elle ne détestât de jour en jour davantage ceux qui lui en demandaient l’effort. Elle s’y résignait, la pauvre enfant, parce que les visites des spectateurs chez les danseuses sont précédées et suivies de formalités invariables auxquelles on s’accorde à trouver une grande force de persuasion. Mais sa conception de l’amour supposait des façons encore plus délicates, et sa conception de l’art se fondait sur la symétrie. Or, l’homme tel qu’elle l’avait connu jusque-là s’était montré le plus souvent sentimental comme un bilboquet (on ne saurait mieux dire que ne dit Gavarni) et, d’autre part, il est regrettable