Page:Louis - Le Colonialisme, 1905.djvu/108

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ceux où depuis un siècle et plus, le machinisme s’est implanté, s’aperçoit que l’évolution industrielle engendre universellement les mêmes effets. Le colonialisme, en important l’exploitation outrancière dans les contrées exotiques, en y introduisant les modes de production qui ont prévalu en Europe, y convertit la masse des noirs et des jaunes en prolétariat. En étendant sa suzeraineté, le capitalisme suscite aussi les énergies de résistance, les haines, la lassitude du présent, la volonté d’un avenir meilleur. Automatiquement la poussée révolutionnaire se développe sur les mondes conquis. Toute victoire de la grande bourgeoisie hâte l’échéance des transformations essentielles.

D’ailleurs, tandis que le prolétariat couvre le globe de ses chaînons de plus en plus rapprochés, de mieux en mieux soudés, la bourgeoisie perd une part croissante de sa vigueur de coercition… Sa force se réduit à proportion même de la restriction de ses contingents, et nous avons vu que le colonialisme coopère à la dissociation continue qui la travaille et qui l’épuise. Les dirigeants d’Europe, en cas de soulèvement armé du peuple, n’ont plus seulement à compter avec l’attaque des salariés de la métropole, mais avec l’insurrection quasi inévitable des tribus assujetties ; et contraints de diviser les corps de répression, dont ils sont de moins en moins sûrs, ils sentent fléchir leur sérénité, décliner leur certitude du succès.

En dernier lieu, le colonialisme a porté une atteinte redoutable à ce qu’on pourrait appeler