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de distance de nous en travers de la route. Il avait environ un pied de diamètre et ce n’était pas un petit travail que de se débarrasser de la barrière que formaient son tronc et ses branches, enchevêtrés dans le feuillage voisin. Mes Cambodgiens se lamentèrent et dans un premier mouvement de fureur, j’ajustai l’éléphant coupable de ce méfait ; mais les indigènes me supplièrent de ne pas tirer, me représentant que la bande entière se précipiterait sur nous. Je me rendis ; les éléphants s’éloignèrent, en riant sans doute du bon tour qu’ils venaient de nous jouer. À minuit, nous terminions à peine de déblayer la route.

Le 18 février, nous sortions de Prey Saa, et nous quittâmes la province d’Angcor pour entrer dans celle de Sankéa. Quelques petits hameaux se montrèrent çà et là. Nous venions de faire cinquante kilomètres sans rencontrer un être humain.

Le lendemain, j’abandonnai toute espèce de véhicule ; j’engageai quelques porteurs, et, après avoir traversé le Stung Sreng très-près de sa source, j’allai coucher en pleine forêt, au pied même du plateau d’Oubôn. Il est là aussi à pic qu’au point où je l’avais descendu, en venant de Sourèn. Mais à pied, cette escalade n’était qu’un jeu. Au sommet du plateau, j’appris que je me trouvais à deux jours de marche de Coucan. Je n’avais pas assez appuyé dans l’est ; il ne me restait plus qu’à reprendre, à partir de ce chef-lieu de province, la route que j’avais déjà suivie.

On m’annonça à Coucan qu’Alexis avait enfin passé quelques jours auparavant, se rendant à Angcor. Ce paresseux interprète avait prolongé outre mesure son séjour à Bassac, et, sans se préoccuper davantage de la mission qui lui était confiée, s’était laissé séduire par les beaux yeux d’une Laotienne qu’il avait prise pour femme. Après avoir consacré plus d’un mois aux douceurs de cet hyménée, il s’était enfin mis en route en promettant à sa nouvelle famille de revenir bientôt. Il avait, bien entendu, l’intention formelle de ne pas tenir sa parole. Alexis était légitimement marié à Pnom Penh où sa femme était venue toute en larmes me demander de ses nouvelles.

Le 12 février, j’étais de retour à Oubôn. La Commission avait déjà quitté cette ville. Je vais faire l’historique de son voyage à partir du jour où je m’étais séparée d’elle.