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Les difficultés de navigation du fleuve disparurent à partir de Ban Thasakou. Le Cambodge coule, au delà de ce village, dans une immense plaine, recouverte d’une admirable végétation, et où il retrouve quelquefois une largeur de près de 2,000 mètres ; son courant est faible, ses eaux assez profondes.

Le 15 février, les voyageurs entrèrent dans la province de Ban Mouk au chef-lieu de laquelle ils arrivèrent le lendemain. Ils avaient admiré sur leur route, dans le village de Tong bao, une pagode dont la façade était incrustée de porcelaine, genre de décoration d’un effet assez original.

Le gouverneur de la province était déjà parti pour Bankok en laissant l’ordre à ses subordonnés de traiter de leur mieux l’expédition française. Ban Mouk s’étend sur la rive droite du fleuve, au nord d’une chaîne de petites collines qui font dévier légèrement vers l’est le cours du Cambodge. Une triple rangée de maisons pressées s’étend parallèlement à la rive. Cinq ou six pagodes seulement s’élèvent au milieu des cases. Ban Mouk, comme la plupart des provinces voisines, est de création récente et a hérité d’une partie des habitants de la ville détruite de Vien Chan.

La Commission n’y séjourna que deux jours.

À partir de Ban Mouk, le fleuve se dirige droit au nord pendant une soixantaine de milles en ne dessinant que des inflexions à peine sensibles. Quelques bancs de sable, quelques îlots apparaissent çà et là au milieu de ses eaux calmes et peu profondes.

Peunom, où la Commission arriva le 22 février, est un village important, situé sur la rive droite du fleuve, à une trentaine de milles de Ban Mouk, vis-à-vis de l’embouchure du Se Bangfay. C’est un point célèbre dans tout le Laos inférieur par le sanctuaire qu’il possède. On y arrive du bord du fleuve par une longue avenue plantée de palmiers. Le monument de Peunom est un de ces Dagobas si communs dans tous les pays bouddhistes et qui reçoivent au Laos le nom de Tât ; il consiste en une pyramide massive dont la base carrée mesure environ 10 mètres de côté et dont la flèche dorée atteint une hauteur de 45 mètres. Elle porte 5 thés ou ombrelles de dimension décroissante et garnis de clochettes à leur circonférence. Cette pyramide est construite en briques et sa surface est couverte de moulures et d’arabesques qui ne manquent ni d’art ni d’une certaine grâce. Les parties supérieures de la pyramide sont d’une construction récente ; la base, plus ancienne, accuse une ornementation et une architecture d’inspiration birmane[1]. Suivant l’usage, la légende rend cet édifice contemporain de Bouddha : tel qu’il est, il est impossible d’en faire remonter les parties les plus anciennes au delà de la première moitié du seizième siècle. Nous avons vu (page 140) qu’à cette époque une princesse cambodgienne épousa le roi de Vien Chan : c’est à elle que la chronique attribue la réédification du Tât ; mais, depuis cette époque, il a subi un grand nombre de restaurations, nécessitées, et par la fragilité des matériaux qui le composent, et par les guerres et les révolutions qui ont occasionné à plusieurs reprises sa destruction ou son abandon.

Le Tât de Peunom est entouré d’une triple enceinte entre lesquelles se trouvent inter-

  1. Voyez le dessin de l’une des faces de cette pyramide, Atlas, 2e partie, pl. XX.