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ESSAI HISTORIQUE SUR LE NORD DE L’INDO-CHINE.

nan, où il est connu sous le nom de Kong-ming. On voit encore aujourd’hui dans le sud-est de Tchao-tcheou une colonne de fer érigée en son honneur.

La colonisation chinoise, en s’avançant graduellement vers le sud-ouest, chassait peu à peu devant elle les populations d’humeur trop indépendante pour supporter le joug ou d’un caractère trop sauvage pour se plier à la civilisation. Les races autochthones restaient dans les montagnes où elles trouvaient un refuge assuré contre les envahisseurs ; les races d’origine mongole se retiraient devant leur aînée en civilisation et allaient fonder plus loin de nouveaux royaumes. C’est dans la période comprise entre le troisième siècle et la chute de la dynastie des Thang que prirent naissance la plupart des principautés laotiennes du nord de l’Indo-Chine ; mais il y avait déjà longtemps sans doute que les premiers pionniers de la race thai s’étaient avancés dans cette région où ils avaient subi tout d’abord la domination des indigènes.

Nous allons énumérer rapidement les traditions qui se rapportent à cette première et obscure période.

Autrefois, disent les Laotiens du Nord, tout le pays de Xieng Tong, Xieng Hong et Muong Lem était une vaste plaine au centre de laquelle brillait un lac. Le pays était occupé par les sauvages, qui formaient autour du lac sept royaumes. Phya Ngam était leur chef, avec environ 4 ou 500,000 hommes sous ses ordres. Il y avait des Thai à Xieng Tong, à Muong Lem, à Xieng Sen, Xieng Hong et à l’est du Nam Khong ; mais ils étaient soumis aux sauvages qui étaient de beaucoup les plus nombreux. Le prince d’Alévy (Xieng Hong) avait quatre fils ; il les réunit et leur dit : «Les Khas sont nos maîtres. Il est honteux de subir leur joug. Que faut-il faire pour conquérir notre indépendance ? » Sonanta Satrou Kouman, son deuxième fils, lui répondit : « Donnez-moi cinq cents hommes, et je vous promets de vous délivrer. » Les cinq cents hommes lui furent accordés, il se rendit auprès de Phya Ngam et lui offrit ses services. Le prince kha l’accueillit avec bienveillance et l’autorisa à s’établir dans le pays. Sonanta Satrou Kouman loua alors des sauvages et fit construire une enceinte fortifiée, qui prit le nom de Xieng Chang. Phya Ngam se lia d’amitié avec lui et venait quelquefois le visiter.

« Un jour le prince thai invita Phya Ngam avec toute sa suite à un grand repas. On servit trois espèces de vins, l’un de bonne qualité, l’autre très-enivrant, le troisième empoisonné. On ferma en même temps les portes de la ville et, à la fin du repas, on massacra Phya Ngam et les Khas qui l’accompagnaient. Tout le pays fut soumis. Le roi d’Alévy envoya ses trois autres fils gouverner le Muong Khie, le Muong Sing et le Muong Ham. Le pays, qui s’appelait déjà Yong, fut désigné, à partir de ce moment, sous le nom de Na Yong (na signifie rizière en laotien).

D’après la chronique du Tât de Muong Yong, auquel nous empruntons cette tradition, ce fait aurait eu lieu bien longtemps avant la naissance de Sammono codom.

D’autres récits s’accordent avec les chroniques annamites, pour rattacher aux empereurs de Chine, les premiers princes laotiens : — « Le pays était un grand lac. Maha Rosey vint du nord et fit écouler les eaux ; il planta ensuite un arbre qui produisit les hommes. Quelque temps après les trois fils d’un roi de Chine, nommé Chao faouang, s’établirent à Xieng