Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/104

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le devoir par l’opinion publique, ne dépasse pas un but légitime, la réunion de toute l’Italie sous une même domination. Les membres de l’aristocratie semblent hériter des exploits comme des vertus de leurs ancêtres, et ni la pauvreté, ni une naissance obscure, n’empêchent le mérite de parvenir. Curius Dentatus, Fabricius, Coruncanius, ne peuvent montrer ni leurs richesses, ni les images de leurs aïeux, et cependant ils atteignent aux plus hautes dignités ; d’ailleurs la noblesse plébéienne marche de pair avec la noblesse patricienne : toutes deux tendent de plus en plus à se confondre, en se séparant de la multitude[1] ; mais toutes les deux rivalisent de patriotisme et de désintéressement.

Malgré le goût des richesses, introduit par la guerre des Sabins[2], les magistrats maintiennent la simplicité des mœurs, et garantissent le domaine public contre l’empiétement des riches, par l’exécution rigoureuse de la loi qui limitait à cinq cents arpents l’étendue des propriétés qu’il était permis de posséder[3].

Les premiers citoyens donnent les exemples les plus remarquables d’intégrité et d’abnégation. Marcus Valerius Corvus, après avoir occupé vingt et une charges curules, retourne à ses champs sans fortune, mais non pas sans gloire (419). Fabius Rullianus, au milieu de ses victoires et de ses triomphes, oublie son ressentiment contre Papirius Cursor et le nomme dictateur, sacrifiant ainsi sa rancune aux intérêts de la patrie (429). Manius Curius Dentatus ne garde rien pour lui des riches dépouilles enlevées aux

  1. Tite-Live met dans la bouche du consul Decius, en 452, cette phrase remarquable : « Jam ne nobilitatis quidem suæ plebeios pœnitere » (Tite-Live, X, vii) ; et plus tard encore, vers 538, un tribun s’exprime ainsi : « Nam plebeios nobiles jam eisdem initiatos esse sacris, et contemnere plebem, ex quo contemni desierint a patribus, cœpisse. » (Tite-Live, XXII, xxxiv.)
  2. Tite-Live, XIV, xlviii.
  3. La preuve en est dans la condamnation de ceux qui enfreignaient la loi de Stolon. (Tite-Live, X, xiii.)