Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/350

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se rapprochait de la sienne par des instincts et des ennemis communs. Dans les pays livrés aux divisions des partis, combien n’y a-t-il pas de gens qui souhaitent le renversement du gouvernement existant, sans cependant vouloir prendre part à une conspiration ? Telle était la position de César.

La conduite, au contraire, de Cicéron et du sénat ne peut guère être justifiée. Violer la loi était peut-être une nécessité ; mais dénaturer la sédition pour la rendre odieuse, recourir à la calomnie pour avilir les accusés, les condamner à mort sans leur permettre de se défendre, c’était une preuve évidente de faiblesse. En effet, si les intentions de Catilina n’eussent pas été travesties, l’Italie entière aurait répondu à son appel, tant on était fatigué du joug humiliant qui pesait sur Rome ; mais on le signala comme méditant l’incendie, le meurtre, le pillage. « Déjà, disait-on, les torches sont allumées, les assassins sont à leurs postes, les conjurés boivent du sang humain et se disputent les lambeaux d’un homme qu’ils ont égorgé[1]. » C’est par ces bruits habilement répandus, par ces exagérations dont Cicéron se moqua lui-même plus tard[2], que les dispositions

  1. On peut lire dans les historiens du temps le récit des fables inventées à plaisir pour perdre les conjurés. Ainsi Catilina, voulant lier par un serment les complices de son crime, aurait fait passer à la ronde des coupes remplies de sang humain et de vin. (Salluste, Catilina, xxii.) Selon Plutarque, ils auraient égorgé un homme, et tous auraient mangé de sa chair. (Plutarque, Cicéron, xiv. — Florus, IV, i.)
  2. Cicéron avoua lui-même que ces accusations étaient des lieux communs pour le besoin de la cause. Dans une lettre à Atticus, il décrit une scène qui se passa au sénat peu de temps après le retour de Pompée à Rome. Il nous dit que ce général se contenta de louer tous les actes du sénat, sans rien ajouter de personnel à lui, Cicéron ; « mais Crassus, continue-t-il, se leva et en parla avec beaucoup d’éloquence… Bref, il aborda tout ce lieu commun de fer et de flamme, que j’ai coutume de traiter, vous savez de combien de manières, dans mes harangues, dont vous êtes le souverain critique. » (Cicéron, Lettres à Atticus, I, xiv.)