Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/381

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des luttes intestines, se retirait de la politique pour jouir en paix de son immense fortune. Catulus était mort, et la plupart des grands suivaient l’impulsion que leur imprimaient quelques sénateurs ardents, sans se soucier beaucoup des affaires, et se croyaient les hommes les plus heureux du monde lorsqu’ils avaient dans leurs viviers des barbeaux assez bien apprivoisés pour venir manger dans leurs mains[1]. Cicéron sentait son isolement. Les nobles, dont il avait servi la colère, une fois le danger passé, ne voyaient plus en lui qu’un parvenu ; aussi avait-il prudemment changé de convictions : lui, l’exterminateur des conjurés, avait défendu P. Sylla, un des complices de Catilina, et l’avait fait acquitter malgré l’évidence des preuves[2] ; lui, l’énergique adversaire de tout partage des terres, avait soutenu la loi agraire de Flavius. Il écrivait à Atticus : « J’ai vu nos heureux du jour, ces grands amateurs de viviers, ne plus cacher l’envie qu’ils ont contre moi ; alors j’ai cherché de plus solides appuis[3]. »

En effet, il s’était rapproché de Pompée, en convenant tout bas qu’il n’avait « ni étendue d’esprit, ni noblesse de cœur. Il ne sait que baisser la tête et flatter le peuple, disait-il ; mais me voilà lié avec lui de telle façon que tous deux, comme particuliers, nous y trouvons notre compte, et que, comme hommes politiques, nous pouvons l’un et l’autre agir avec plus de décision. On avait excité contre moi la haine de cette jeunesse ardente et sans principes. J’ai si bien su la ramener par mes bonnes manières, qu’elle n’a plus de considération que pour moi. Enfin je m’applique à n’être blessant pour qui que ce soit, et cela sans bassesse ni populacerie. L’ensemble de ma conduite

  1. Cicéron, Lettres à Atticus, II, i.
  2. « Il paraît même que Cicéron avait emprunté à l’accusé un million de sesterces pour acheter une maison sur le mont Palatin. » (Aulu-Gelle, XII, xii.)
  3. Cicéron, Lettres à Atticus, II, xix.