Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/382

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est si bien calculé, que l’homme public ne cède sur rien, et que l’homme privé, qui connaît la faiblesse des honnêtes gens, l’injustice des envieux et la haine des méchants, prend ses précautions et se ménage[1]. »

Cicéron se faisait illusion sur les causes de son changement de politique et ne se rendait pas compte des raisons qui l’engageaient à chercher de puissants appuis. Comme tous les hommes sans caractère, au lieu d’avouer hautement les motifs de sa conduite, il se justifiait auprès de ses amis en prétendant que, loin d’avoir modifié ses opinions, c’était lui qui convertissait Pompée et qui tenterait bientôt la même épreuve sur César. « Vous frappez tout doucement sur moi, écrivait-il à Atticus, au sujet de ma liaison avec Pompée, mais n’allez pas imaginer que je l’aie contractée en vue de ma sûreté personnelle. Les circonstances ont tout fait ; au moindre désaccord entre nous, il y avait trouble dans l’État. J’ai pris mes mesures et fait mes conditions, de sorte que, sans transiger sur mes principes, qui sont les bons, je l’ai lui-même amené à des sentiments meilleurs. Il est un peu guéri de sa manie de popularité… Si je réussis de même à convertir César, dont la barque vogue à pleines voiles, aurai-je encore fait grand mal à l’État[2]? » Cicéron, comme tous les hommes dont la parole est la principale force, sentait qu’il ne pouvait jouer de rôle important ni même être en sûreté qu’en s’associant aux hommes d’épée.

Pendant qu’à Rome les dominateurs du monde se livraient à des querelles mesquines, une nouvelle inquiétante vint soudainement faire diversion aux intrigues politiques. On apprit que les alliés gaulois des bords de la Saône avaient été battus par les Germains, que les Helvètes étaient en armes et faisaient des excursions hors de leurs frontières.

  1. Cicéron, Lettres à Atticus, I, xix.
  2. Cicéron, Lettres à Atticus, II, i.