Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/384

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tique. Quant à Crassus, qu’un antagonisme jaloux séparait depuis longtemps de Pompée, toute l’habileté de César et la séduction de ses manières furent nécessaires pour le rapprocher de son rival. Mais, pour les amener l’un et l’autre à suivre une même ligne de conduite, il fallait, en outre, faire valoir à leurs yeux des motifs puissants, capables de les convaincre. Les historiens, en général, n’ont donné, comme raison de l’entente de ces trois hommes, que l’appât de l’intérêt personnel. Certes Pompée et Crassus n’étaient pas insensibles à une combinaison favorisant leur amour pour le pouvoir et les richesses, mais on doit prêter à César un mobile plus élevé, et lui supposer l’inspiration du vrai patriotisme.

La situation de la République devait apparaître ainsi à sa vaste pensée : la domination romaine, étendue sur le monde comme un corps immense, le tient enserré de ses bras nerveux ; et, tandis que ses membres sont pleins de vie et de force, le cœur se décompose par la corruption. Sans un remède héroïque, la contagion se répandra bientôt du centre aux extrémités, et la mission de Rome restera inachevée ! — Qu’au présent on compare les beaux jours de la République ! Qu’on se souvienne de ce temps où, rendant hommage à la politique du sénat, les délégués des peuples étrangers déclaraient hautement préférer à l’indépendance la suzeraineté protectrice de Rome ! Depuis cette époque, quel changement ! Tous les peuples haïssent la puissance romaine, et cependant cette puissance les préserve de maux plus grands encore. Cicéron dit avec raison : « Que l’Asie y songe bien, aucune des calamités qu’engendrent la guerre et les discordes civiles ne lui serait épargnée si elle cessait de vivre sous nos lois[1]. » Et ces conseils peuvent s’appliquer à tous les pays où les légions ont pénétré. Si donc le

  1. Cicéron, Lettres à Quintus, I, i, xi.