Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/422

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faisant illusion sur sa propre influence[1], et comptant d’ailleurs sur la protection de Pompée. Il paraît positif, d’après cela, que Clodius allait au delà des vues de César : preuve nouvelle que de pareils instruments, lorsqu’on les emploie, sont une arme à deux tranchants, dont la direction échappe aux mains les plus habiles. C’est ainsi que plus tard Vatinius, aspirant à devenir préteur, reçut de son ancien patron ce sanglant avertissement : « Vatinius n’a rien fait gratuitement pendant son tribunat. Quand on ne recherche que l’argent, on doit se passer aisément des honneurs[2]. » En effet, César, dont les efforts pour rétablir les institutions populaires ne s’étaient jamais ralentis, ne voulait ni anarchie ni lois démagogiques, et, de même qu’il n’avait pas approuvé la proposition de Manilius pour l’émancipation des affranchis, de même il repoussait la réorganisation des corporations, les distributions de blé gratuites et les projets de vengeance de Clodius, qui cependant se vantait sans cesse de son appui.

Crassus, de son côté, désirant être utile à Cicéron sans se compromettre[3], engagea son fils à lui venir en aide. Quant à Pompée, balançant entre la crainte et l’amitié, il imagina un prétexte pour ne pas recevoir Cicéron, lorsque celui-ci vint réclamer son appui. Privé de cette dernière ressource, le grand orateur ne conserva plus d’illusions, et, après quelques velléités de résistance, s’éloigna volontairement. À peine eut-il quitté Rome, que la loi contre lui était

  1. « Grâce à mes soins, ma popularité et mes forces augmentent chaque jour. Je ne me mêle en rien de politique, absolument en rien… ma maison ne désemplit pas ; on m’entoure quand je sors ; c’est mon consulat qui recommence. Les protestations de dévouement me pleuvent, et ma confiance est telle, que parfois je désire la lutte, au lieu d’avoir toujours à la craindre. » (Cicéron, Lettres à Atticus, II, xxii.) — « Vienne l’accusation de Clodius, l’Italie entière se lèvera en masse. » (Cicéron, Lettres à Quintus, I, ii.)
  2. Cicéron, Discours contre Vatinius, xvi.
  3. Plutarque, Pompée, xlviii.