Page:Louis Napoléon Bonaparte - Histoire de Jules César, tome 1, Plon 1865.djvu/57

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d’empêcher les prairies de s’étendre au détriment des terres labourables). On faisait cela en vue de l’accroissement de la population italique, qu’on jugeait à Rome la plus laborieuse, et pour avoir des alliés de sa propre race. Mais la mesure produisit un résultat contraire à ce qu’on avait espéré. Les riches s’approprièrent la plus grande partie des terres non partagées, et, comptant que la longue durée de leur occupation ne permettrait à personne de les expulser, ils achetèrent de gré à gré ou enlevèrent par la force aux petits propriétaires voisins leurs modestes héritages, et formèrent ainsi de vastes domaines, au lieu des simples champs qu’eux-mêmes cultivaient auparavant[1]. »

Les rois avaient toujours cherché à réprimer ces usurpations[2], et peut-être Servius Tullius paya-t-il de sa vie une tentative semblable. Mais, après la chute de la royauté, les patriciens, devenus plus puissants, voulurent conserver les terres dont ils s’étaient injustement emparés[3].

Il faut bien le reconnaître, comme ils soutenaient la plus grande partie du poids de la guerre et des impôts, ils

  1. Appien, Guerres civiles, I, vii. — Cette citation, quoique d’une date postérieure, s’applique néanmoins à l’époque dont nous parlons.
  2. « Servius publia un édit pour obliger tous ceux qui s’étaient approprié, à titre d’usufruitiers ou de propriétaires, les terres du domaine public, à les rendre dans un certain délai, et, par le même édit, il était ordonné aux citoyens qui ne possédaient aucun héritage de lui apporter leurs noms. » (Denys d’Halicarnasse, IV, x.)
  3. « Il ne faut pas s’étonner si les pauvres aiment mieux que les terres du domaine soient distribuées (à tous les citoyens) que de souffrir qu’un petit nombre des plus effrontés en demeurent seuls possesseurs. Mais s’ils voient qu’on les ôte à ceux qui en perçoivent les revenus, et que le public rentre en possession de son domaine, ils cesseront de nous porter envie, et le désir qu’ils ont de les voir distribuer à chaque citoyen pourra se ralentir, quand on leur fera connaître que ces terres seront d’une plus grande utilité étant possédées en commun par la République. » (An de Rome 268.) (Discours d’Appius ; Denys d’Halicarnasse, VIII, lxxiii.)