Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/100

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quel est celui de ces deux cochons qui nous a joué le tour !

Du côté rouge, Cyprien confiait au maître d’école :

— Quelle est donc la ganache qui nous a lâchés d’un cran ?

— Qui ? Abel le Rat ou Laugu du Moulin ? Il fallait en avoir le cœur net.

Et alternativement, les chefs rouges et les chefs blancs emmenèrent discrètement chez eux, pour de nouvelles libations, Abel et Laugu.

Mais, chez les Rouges, Abel montrait en ricanant le bulletin blanc qui lui restait, disait-il, et, chez les Blancs, brandissait triomphalement le bulletin rouge, preuve qu’il avait voté du bon côté. Et Laugu opérait de même, car les gaillards, rompus à la tactique, avaient plusieurs bulletins dans chaque poche, de sorte que Rouges et Rlancs furent vite convaincus de leur honnêteté politique et, par conclusion et comme conséquence, qu’il y avait un traître parmi eux.

Des suspicions planèrent : la campagne électorale se resserra. Abel et Laugu continuèrent à boire pendant les quinze jours et les quinze nuits qui précédèrent le second tour. C’était leur moisson à eux, pas ! comme disait le Rat, et ils opérèrent le deuxième coup comme ils avaient fait la première fois ; du moins, le résultat fut le même