Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/105

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obligé de prendre le pas de course ni de se colleter, comme cela lui était arrivé quelquefois, quand il se trouvait seul à seul et inconnu, homme contre homme, devant le représentant du fisc.

Cependant, tout de gris habillé pour être moins aisément distingué des choses, Kinkin longeait les murs et les haies, le corps, par l’effet de la charge, légèrement penché, tout comme un paisible cultivateur qui revient des champs vers son logis.

Les douaniers, certes, n’étaient plus à redouter dans la « fin » de Rocfontaine, mais il restait les « cognes » qui ne le connaissaient que trop et ces « salauds » de rats de cave qui l’avaient à l’œil depuis qu’il avait vécu librement avec la Zéna, bien connue pour son langage imagé et la qualité des allumettes par elle fabriquées et qu’elle débitait envers et contre la régie, à la barbe des autorités municipales.

Ce nonobstant, les gendarmes sont visibles de loin et les rats, qui sont des bourgeois, ne voyagent qu’en voiture ; ils sont donc tous, quand on n’est pas vendu, facilement évitables.

Or, Kinkin n’avait pas d’ennemis : au contraire. Tous les fermiers du plateau lui savaient gré de les approvisionner de tabac en toute saison et plus spécialement en été, au moment où les travaux pressants les empêchent d’envoyer au village acheter le « trèfle » quotidien.