Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/141

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et, sans doute pour mûrir en toute tranquillité son plan de campagne, hanta fort régulièrement les divers bouchons de la commune, proclamant sur tous les tons que les indigènes de Velrans n’étaient que des sauvages, des jean-foutres et des lâches et qu’ils lui paieraient tout ça en bloc plus tôt qu’ils ne le pensaient.

On n’avait pas été trop rassuré au début ; on craignait même qu’il ne lui vînt l’idée de mettre le feu aux quatre coins du village, simple histoire d’obliger ses compatriotes à chercher eux aussi des logements ; mais rien de ce genre n’arriva et l’on reprit entièrement confiance quand on constata qu’il ne dessaoulait plus et vendait même, pour continuer à boire, tout ce qui lui appartenait, sauf quelques hardes et ses outils.

On en conclut qu’il allait quitter Velrans pour repartir comme jadis « sur le trimard », et chacun respira.

Il continuait pourtant à menacer le village de représailles mystérieuses.

— Vous me le paierez ! Mais cela ne prenait plus, et tous étaient persuadés qu’il ne gueulait ainsi que pour effrayer les gens.

Du dix-huit au vingt-cinq mars, à l’auberge où il s’installa à demeure de l’ouverture à la fermeture, il ne cessa, en liquidant ses derniers écus, de débiter sur chaque habitant tout ce qu’il savait et même ce qu’il ne savait pas ; puis le vingt-cinq