Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/183

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Cette fois cependant la mesure était comble et Lebrac l’avait dit.

On était en plein hiver, un bel hiver jusqu’alors : sec et froid. Il avait fortement neigé dès le début de décembre, et il y avait eu de magnifiques batailles à coups de boules de neige, au cours desquelles, malheureusement, on n’avait pu laver la figure aux deux Grangers ; par contre, quelques carreaux cassés ayant fait interdire ce sport dangereux, on avait établi, dans toutes les rues en pente avoisinant l’école, de superbes glissades.

Il y en avait pour toutes les heures du jour : des grandes pour avant et après la classe, des petites pour les récréations. Mais la plus belle était celle de devant la cour où, selon une coutume immémoriale, on allait « luger » à toutes les sorties. Elle avait été particulièrement soignée. Le grand Lebrac l’avait commencée lui-même en nivelant la neige avec ses sabots sans clous et tout plats, et les autres l’imitant, ils avaient peu à peu frayé un sillage de neige d’abord, de glace ensuite, qui avait bien cinquante mètres de long. Cette glace fondait un tantinet à midi mais regelait le soir, et, chaque matin, on commençait par la repolir avec amour. Qu’elle était belle ! Lisse comme un miroir et plus glissante cent fois que les parquets de la cure où l’on piquait des têtes quand on n’enlevait pas ses sabots.