Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/191

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Quand on arrive à un certain âge, c’est extraordinaire comme on devient méfiant et ridicule. Ainsi pensait-il en s’étirant de nouveau voluptueusement.

C’est que vert encore à l’âge de soixante-dix ans, le père Jourgeot s’était longuement tâté le pouls avant de se décider à régulariser avec sa bonne la situation de servante-maîtresse qu’elle occupait dans la maison depuis quatre ou cinq ans déjà.

Un beau jour, cependant, des symptômes caractéristiques d’un état nouveau, vomissements, vertiges et autres signes précurseurs d’un héritier prochain et d’un scandale qui ne l’était pas moins l’avaient contraint à se décider.

— Après tout, pensait-il, la Julie était une bonne ouvrière et, en l’épousant, il serait quitte de lui payer ses gages. Qu’importait, au fond, qu’après sa mort son bien allât à elle plutôt qu’à des petits-cousins dont il se fichait comme de sa première culotte ! Mais tout de même, procréer à son âge lui paraissait louche et, bien qu’un tel résultat flattât sa vanité de vieux coq, la crainte d’avoir été aidé dans cette œuvre par des collaborateurs bénévoles autant qu’inconnus le retenait hésitant au bord du fossé conjugal.

Cette attitude philosophique ne faisait point l’affaire de la Julie qui, pincée, voulait au moins tirer de l’aventure tout le profit possible.