Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/201

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à son tablier, se précipitait les bras tendus vers l’arrivant.

Sous la moustache blonde du grand gaillard, ses lèvres goulues cherchaient la bouche voluptueuse, cependant que l’autre, sans s’attarder à des bagatelles inutiles et connaissant la valeur du temps, troussait vigoureusement les jupes.

Et ce fut sans plus tarder, parmi la paille, préparée d’avance bien sûr, la culbute amoureuse, l’éclair des cuisses sans pantalon, l’étreinte farouche et brutale.

Et Jourgeot, d’un œil hagard, dilaté, le rouge au front, le sang aux tempes, voyait tout cela, un étrange pincement au cœur. Son fusil s’était levé peu à peu et il tenait sous le double regard des canons d’acier le couple vautré dans la paille.

— Bon Dieu ! tirer dans le tas ! Faire deux charognes de ces deux salauds qui se fichaient de lui ! Il épaulait, son œil gauche se ferma, son index nerveusement prit contact avec le froid métallique de la gâchette et puis… et puis il vit trouble, le sang battait dans son crâne avec trop de violence tandis que, dans une vision fulgurante, il apercevait nettement tout ce qui allait suivre cet acte de justice sommaire et sauvage : les cadavres blêmes, figés dans leur pose impudique, les gendarmes, les constatations, les magistrats, la cour d’assises ; sa vie privée fouillée jusques à quand, sa mésaventure rendue plus publique encore, pre-