Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/204

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de la porte, contre le mur, une fourche se dressait, une de ces fourches d’acier aux longues dents puissantes et fines qui se plantent dans les gerbes de blé comme des canines de chat dans un ventre de souris.

Il la saisit. Cette fois ça y était, il les tenait. Ah ! la ficher dans les reins de Mablot et le clouer comme ça en plein déduit sur la femelle pâmée. Les embrocher raides tous les deux du même coup ! Le père Jourgeot sentit dans les muscles de ses bras une force herculéenne et leva le trident. Mais de nouveau la vision de la cour d’assises lui passa devant les yeux et son bras ne se détendit point pour l’œuvre vengeresse et il eut peur de la force étrange qui l’avait envahi.

Sur la pointe des pieds, il se retira, et les amants ne soupçonnèrent pas le danger.

Décidément les actes violents lui étaient impossibles à accomplir. Il fallait se venger autrement, sans en avoir l’air, sans qu’on pût le soupçonner. Il épia, et le hasard encore une fois le servit.

Cette fois, il avait trouvé. C’était toujours au même endroit de l’étable que l’acte se perpétrait, et dans le plancher de sa grange, comme dans celui de toutes les vieilles demeures, il y avait des trous, les plateaux pourris et enlevés n’étant pas toujours remplacés immédiatement.

Juste au-dessus de l’endroit qu’il avait soigneusement repéré, le père Jourgeot un beau soir en-