Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/217

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ternaient avec des « Frisé par ci, Frisé par là, ah grand salaud ! » et autres menaces de circonstance, Mimile faisait de temps à autre claquer vigoureusement son fouet pour, d’une façon précise et tangible, rappeler au sentiment de la discipline ses tributaires encornés se bousculant dans les ornières boueuses de l’étroit chemin.

La première maison du village, derrière l’écran circulaire de son noyer centenaire, présenta bientôt sa masse compacte dont l’obscurité grandissante amplifiait encore les dimensions, et le Creux, sorte de mare, par delà son armée naine de roseaux alignés, montant sur son pourtour une garde muette, apparut, lamé de reflets d’argent.

Une bousculade plus violente se produisit ; les petits veaux et les génisses rejetés de droite et de gauche par la poussée des grands bestiaux s’égratignèrent aux ronces flottantes des haies. Mais le berger, qui avait pour consigne de ne pas laisser boire ses bêtes à la mare, se jeta au plus épais de la mêlée et, passant devant le troupeau, de sa lanière sifflante fit rebrousser chemin aux impatients et les remit dans le droit chemin.

La grande rue du village s’ouvrait, resserrée entre ses deux rigoles desséchées par le soleil, avec ses maisons un peu retirées où brillaient des lumières et quelques vergers gardés par des murs de pierres brutes empilées simplement les unes sur les autres, au-dessus desquelles les arbres frui-