Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/221

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barrières épineuses, restaient d’un vert dru malgré la chaleur torride de cette fin d’été. Seuls, dans un des versants caillouteux de la forêt, deux ou trois vieux hêtres accusaient, par quelques feuilles roussies prématurément, l’arrivée prochaine de l’automne et la mort de l’été.

Le sifflement intermittent d’un merle effrayé par l’approche d’une femme en quête de mûres ou par le passage d’un écureuil, l’appel criard d’un geai sautant d’une branche à une autre dans un roux ébouriffement de plumes troublaient à peine le calme plat de cette mer vallonnée de verdure sur laquelle un soleil implacable versait à pleines écluses ses cascades lumineuses et chaudes de rayons.

Dans la prairie, les vaches lentement avançaient, broutant devant elles sans hâte et sans trêve. Le fanon musculeux ballottait de droite et de gauche comme une épaisse draperie qu’agitaient les mouvements de mufle réguliers et lents, tandis que la queue vigilante voltigeait sans relâche alentour de leurs cuisses et de leurs flancs, chassant les taons assoiffés de sang et les mouches importunes. De temps à autre, l’une d’elles, capricieuse ou lassée d’un mets toujours pareil, levait la tête et humait le vent pour surprendre, dans la symphonie des parfums exhalés par les herbes fines de la prairie, quelque harmonie nouvelle plus tentante et aller entamer plus loin un sillage nouveau,