Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/28

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L’hiver était rude. Sur les routes que le court dégel de midi amollissait vaguement, la boue se ridait, se hérissait en lilliputiennes murailles et les sillons durcis qui bordaient les ornières ne s’affaissaient point. Malgré les soleillées qui précisaient les dessins délicats des ramilles s’enchevêtrant, la forêt de la Côte, dominant le village, restait maussade et grise.

La Moussotte allait de temps à autre jusqu’au seuil de la porte, interrogeant le coin du bois d’où la route s’échappait de la forêt, la main en abat-jour sur les yeux, le poing sur la hanche et, quand elle rentrait dans la chambre surchauffée du poêle où se mariaient des odeurs complexes de tourteaux broyés et de racines cuites pour le lécher des vaches, Finaud la regardait d’un œil mi-interrogateur, mi-narquois, s’étirant successivement du devant et du derrière dans l’attente, lui aussi, du retour de son maître.

Cependant Le Mousse n’arrivait pas.

Adolphe-Virgile Mourot, dit le Mousse, était un paysan aisé, presque riche pour la campagne, qui faisait de la culture en dilettante, chassait par fantaisie et « buvait par tempérament ».

C’était le meilleur homme du monde. Il n’était pas dans le canton, disait-on, un cochon auquel il n’eût rendu un service ou payé un verre ; aussi malgré qu’il fût républicain, républicain comme l’étaient les quarante-huitards, dans un pays con-