Page:Louis Pergaud - Les Rustiques nouvelles villageoises, 1921.djvu/58

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mieux vos filles ou elles se feront… manger du loup !

Il le dit : on l’accusa de radoter.

À la fin, cela devenait grave ; sa conscience le tourmentait, parlait, criait, hurlait, lui ordonnait d’agir, d’agir sans retard.

Ces enfants, sous ses yeux, perdaient leur âme, sans compter que leurs corps…, car enfin, c’est une malhonnêteté pour une jeune fille qui se marie, sinon pour un garçon, de donner comme intégral un… capital ébréché. Oui, parfaitement, c’est malhonnête !

Si encore elles avaient fait des gosses ! Si l’une d’entre elles seulement, n’importe laquelle, avait eu un enfant, peut-être que les autres pères et mères auraient enfin ouvert l’œil. À quelque chose, malheur est bon !

Mais non, et c’est bien ce qui décelait leur profonde perversité, pas une ne se laissait pincer ! L’immoralité du siècle était hypocrite et se répandait lentement comme une tache d’huile, souillant son village. Du moment que rien n’éclatait, les parents, les malheureux ! faisaient la sourde oreille ; ils riaient même, les coupables !

— Oui, c’était son devoir de les avertir ; il fallait qu’il le fît, qu’il le fît avec force, qu’il le fît avec éclat, qu’il le clamât en pleine chaire, un beau dimanche, car cela devenait scandaleux à la fin !