Page:Lucien - Œuvres complètes, trad. Talbot, tome I, 1866.djvu/166

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Simylus

Fort étrange : comment vieux, malade et sans enfants, pouvais-tu encore mener joyeuse vie ?

Polystrate

D’abord, j’avais un pouvoir sans limites ; puis autour de moi une foule de jolis garçons, de femmes charmantes, des parfums, des vins d’une odeur exquise, une table comme on n’en voit pas en Sicile.

Simylus

Voilà du nouveau : je t’avais toujours cru fort économe.

Polystrate

Oui ; mais, mon cher, tous ces biens m’arrivaient par les autres ; dès le matin une foule de complaisants assiégeaient mes portes ; puis il me venait les plus magnifiques présents de tous les points de la terre.

Simylus

Tu as donc été roi après ma mort, Polystrate ?

Polystrate

Non ; mais j’avais des millions d’adorateurs.

Simylus

Tu veux rire ? Des adorateurs, un homme de ton âge, avec tes quatre dents ?

Polystrate

Par Jupiter ! c’étaient les premiers de la ville : vieux, chauve, comme tu vois, l’œil chassieux, la roupie au nez, j’étais pourtant l’objet de leur culte empressé, et celui-là s’estimait heureux qui obtenait un seul de mes regards.

Simylus

Aurais-tu donc, nouveau Phaon, passé Vénus de Chio à l’autre rive ? Et cette déesse aurait-elle accordé à tes vœux de redevenir un jeune homme, beau comme autrefois et tout aimable ?

Polystrate

Non ; mais tel que j’étais, j’étais l’objet de tous les vœux.

Simylus

Tu me proposes des énigmes.

Polystrate

Rien cependant n’est plus commun que cette vive tendresse pour des vieillards riches et sans enfants.

Simylus

Ah ! je comprends à présent : ta beauté, homme étonnant, venait d’une Vénus d’or.

Polystrate

Quoi qu’il en soit, Simylus, je me suis bien