Page:Lucien - Œuvres complètes, trad. Talbot, tome I, 1866.djvu/439

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d’or, entourée d’un mur d’émeraude ; elle a sept portes, faites chacune d’un seul morceau de cinnamome : le pavé est d’ivoire dans la partie close par la muraille ; tous les temples des dieux sont bâtis de béryl, et sur leurs autels, faits d’une seule améthyste, on immole des hécatombes entières. Autour de la ville coule un fleuve de myrrhe magnifique ; il a cent coudées royales de largeur, et sa profondeur permet d’y nager aisément. Les bains de ce pays sont de vastes édifices de cristal, tout parfumés de cinnamome ; au lieu d’eau, les bassins sont remplis de rosée chaude.

12. Les vêtements des bienheureux sont faits de toiles d’araignée, fort ténues, couleur de pourpre ; du reste, ils n’ont pas de corps ; ils sont impalpables, sans chair, et n’offrent aux yeux qu’une forme et une apparence : cependant, malgré cette absence de corps, ils ne laissent pas de se tenir debout, de se remuer, de penser, de parler. En un mot, ils ressemblent à une âme dégagée de la matière et revêtue d’une effigie corporelle. Il faut donc les toucher, pour être sûr que ce n’est point un corps que l’on voit ; ce sont, en effet, des ombres qui marchent, et non pas des ombres noires. Personne, chez eux, ne vieillit : chacun y garde l’âge qu’il avait en arrivant. Jamais il ne fait nuit, quoique le jour n’y soit pas éclatant ; mais un crépuscule semblable à celui qui, le matin, précède le lever du soleil, enveloppe toute la contrée. Ils ne connaissent qu’une seule saison pour toute l’année : c’est un printemps éternel, avec un seul vent qui souffle, le Zéphyre.

13. La contrée est émaillée de fleurs de toute espèce, ombragée de bois touffus et délicieux. Les vignes y sont fécondes douze fois l’année, et s’y chargent chaque mois de leurs fruits. Les pêchers, les pommiers, et les autres arbres d’automne, produisent treize fois, en offrant une double récolte dans le mois consacré à Minerve. Au lieu de froment, les épis portent des pains tout prêts à manger, comme des champignons. Autour de la ville, on trouve trois cent soixante-cinq sources d’eau, autant de miel, cinq cents de myrrhe, mais celles-ci sont plus petites, sept fleuves de lait et huit de vin.

14. Le banquet se tient hors de la ville, dans un endroit qu’ils nomment Champ Élisée. C’est une prairie délicieuse, environnée d’arbres nombreux, épais, dont le feuillage ombrage les convives, couchés sur un tapis de fleurs. Les vents sont les ordonnateurs et les ministres du festin, sans en être les échansons : ce soin est superflu : de grands arbres du cristal le plus diaphane, rangés autour du banquet, portent des fruits,