Page:Lucien - Œuvres complètes, trad. Talbot, tome I, 1866.djvu/450

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du nid de l’alcyon, des prodiges étonnants et merveilleux viennent frapper nos regards. La figure d’oie, placée à notre poupe, se met tout à coup à crier en battant des ailes, et les cheveux repoussent à notre pilote Scintharus, qui était tout à fait chauve. Mais voici le plus surprenant de tout : le mât de notre vaisseau se couvrit de bourgeons et produisit des branches, dont l’extrémité se chargea de fruits. C’étaient des figues et de gros raisins qui n’étaient point encore mûrs. À cette vue, nous sommes saisis d’étonnement, on peut le croire, et nous supplions les dieux de détourner de nous ce que ces présages pouvaient avoir de funeste.

42. Nous n’étions pas à cinq cents stades, quand nous voyons une forêt vaste et épaisse de pins et de cyprès. Nous croyons d’abord que c’est un continent ; mais la mer était sans fond, et les arbres, sans racines, étaient plantés dans l’eau, où ils se tenaient immobiles et droits, ayant l’air de flotter. Nous nous approchons, et voyant la chose de près, nous sommes incertains sur le parti que nous devons prendre. Il était impossible, en effet, de naviguer à travers ces arbres, qui formaient comme un tissu serré, et, d’autre part, il n’était pas plus facile de revenir sur nos pas. Je monte sur un des arbres les plus élevés pour examiner ce qu’il pouvait y avoir de l’autre côté de la forêt ; je vois qu’elle ne s’étendait guère au delà de cinquante stades, et qu’ensuite la mer reparaissait à perte de vue. Nous prenons alors le parti de hisser notre vaisseau jusqu’au sommet des arbres, qui étaient très touffus, et de gagner ainsi l’autre mer, si nous ne trouvions point d’obstacle. Nous nous mettons à l’œuvre. Nous attachons un grand câble à notre vaisseau ; puis, montés sur les arbres, nous le tirons à nous. Après bien des efforts, nous le posons sur les branches, et, la voile déployée, nous nous mettons à naviguer, comme en pleine mer, poussés par un bon vent. Alors je me rappelai le vers du poète Antimaque, qui dit quelque part : Tandis qu’ils naviguaient à travers les forêts.


43. Nous parvenons enfin à traverser ce bois, et nous arrivons à l’eau, dans laquelle nous faisons redescendre notre navire par un semblable moyen. La mer où nous voguions était pure et transparente ; mais notre course est interrompue soudain par une ouverture immense, qu’avait formée la séparation de l’eau. On eût dit un de ces gouffres qu’on voit parfois s’ouvrir à la suite d’un tremblement de terre. Nous carguons la voile, et