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LA JEUNESSE DE RABEVEL

— Je le croirais assez, répondit Lazare.

— Vous nous excusez, Monsieur, demanda Catherine ; vous allez manger des restes.

— Eh ! dit Rodolphe, que crois-tu que demande notre maître ; va, il est un travailleur de la pensée comme nous le sommes des mains ; il est simple comme nous, quoique plus intelligent et bien plus savant. Pas vrai ?

— Bien sûr, répondit Lazare vraiment touché, tant cette pensée sincère était proche de la sienne.

— Il faudra tout de même nous avertir une autre fois, reprit Rodolphe ; nous ne sommes pas riches, les tailleurs, mais…

Jérôme l’interrompit en fredonnant :

Et les tailleurs sont des voleurs…

« J’ai fait de mon fils un tailleur ! Que voulez-vous ? L’aîné était menuisier ; et habile, vous pouvez m’en croire. Celui-ci a voulu être tailleur : il a installé ici le comptoir et le sixfranc, il nous enfume avec son charbon de bois, il nous fait éternuer avec ses pattemouilles. Est-ce que c’est un métier, ça : des ciseaux qui râpent et qui grognent, une aiguille qui ne sait rien dire ? Moi, je descends au rez-de-chaussée où Noë a naturellement remplacé mon pauvre aîné. Là, il fait bon : le varlope siffle gentiment, le maillet dit ce qu’il a à dire et on voit ce qu’on fait. Vous me direz que c’était mon métier. Tout de même. Et puis, quel plaisir. Tenez, ce buffet et cette table sont dans la famille depuis deux cents ans : c’est le grand-père de mon