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LE MAL DES ARDENTS

— Ce qu’ils sont, de braves garçons. Penses-tu donc qu’ils soient restés honnêtes par peur de l’enfer puisqu’ils n’y croient plus depuis longtemps ?

Bernard prit l’escalier. Il couchait seul dans une chambrette du cinquième étage depuis qu’il avait accompli ses sept ans. Il arriva sur le palier et suivit le couloir en sifflotant. Comme il s’arrêtait devant sa porte il crut entendre un bruit dans la pièce.

— Il y a peut-être un voleur, se dit-il.

Mais il ne songea pas une seconde à redescendre ni à appeler. Il tira de sa poche un petit couteau à manche de corne, l’ouvrit et entra bravement. Tout de suite il distingua un corps d’homme sous le lit. Il n’eut pas un tremblement.

— Faudrait voir à s’en aller, dites donc, le drille, cria-t-il.

Un long jeune homme, tout confus, se tira péniblement de sa retraite ; l’enfant, la lame tendue, l’épiait :

— N’appelez pas, au moins, je vais vous dire : je ne suis pas un voleur, fit l’individu qui se sentait grotesque. Je me suis trompé de porte ; je croyais être chez Mademoiselle Laure, la bonne du deuxième ; je l’attendais et quand j’ai entendu quelqu’un qui venait en sifflant j’ai compris que ce n’était pas elle et je me suis caché.

— Et qu’est-ce que vous lui voulez à Laure ? demanda Bernard.

L’autre rit grassement.

— Tu es trop gosse pour comprendre… Sais-tu où elle couche ?