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LE MAL DES ARDENTS

— Tu diras ce que tu voudras, fit Jérôme ; c’est entendu ; on exagère quelquefois et peut-être qu’on peut avoir tort ; mais tout de même ce n’est pas nos idées qui ont pourri le gosse. C’est qu’il est de tempérament comme ça.

La grand’mère haussa les épaules et rentra dans la chambre. L’enfant aidé par sa tante essayait de se lever pour la première fois depuis quatre mois. La nuit était tombée depuis longtemps ; on était aux derniers jours de septembre et, malgré la tiédeur de la chambre on sentait passer l’aigreur de la saison pluvieuse. Bernard semblait réconforté ; il voulut qu’on lui mit « pour voir » son costume de premier communiant avec lequel il ne s’était pas vu. Lorsqu’il fut debout, vêtu, Catherine ne put retenir un soupir. L’enfant avait grandi de plusieurs centimètres et n’était que l’ombre de lui-même. Son costume, trop court des manches et du pantalon, flottait autour de lui comme d’un squelette ; la figure hâve, toute pâle et mangée par les yeux sous un crâne chauve, lui donnait un aspect étrange, un peu effrayant. La grand’mère se rappelait avoir vu quelque chose comme cela, autrefois, dans un livre de contes de sorciers et de fées. Elle se dit en frissonnant : « il a l’air d’un vampire. »

La maisonnée pourtant se dévouait à présent toute entière. L’influence discrète de Blinkine se faisait sentir dans la tenue de Bernard, amolli d’ailleurs par la faiblesse et la gratitude. Il cédait, il se repentait, il avait accepté avec une bonne grâce qui ne semblait pas feinte, les visites