Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome I (1923, NRF).djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
63
LA JEUNESSE DE RABEVEL

comme possible et cela, très froidement, sans une ombre ni une velléité d’affection, sans un élan, sans juger sa mère qui lui demeurait entièrement indifférente ! Pourtant il sentait qu’il ne pouvait révéler son idée exacte ; il pressentait une révolte chez les siens, révolte dont le sens et le mobile lui étaient inconnus mais qu’il tenait pour certaine. Il dit avec embarras :

— Tu ne crois pas qu’elle pourrait nous aider ?

La révolte éclata en effet ; Eugénie laissa tomber ses bras de saisissement. Ce furent des exclamations, des épithètes mal réprimées subitement bredouillées, puis, enfin, une sorte d’explication qui voulait tout clore : sa mère avait toujours ignoré Bernard, n’avait jamais pris de ses nouvelles, jamais envoyé un costume ni une chemise, pas même un mouchoir de poche ; pas seulement un sou, « tu entends bien, un petit sou ». C’était désolant de lui dire ça à lui, pauvre petit Bernard, cette femme était une créature dénaturée. D’ailleurs, était-elle riche ou pauvre ? et peut-être était-elle à l’étranger ou même morte ?

Mais Bernard répondit tout doucement : « Dis, si tu en causais avec l’oncle Noë ? » et, pour se débarrasser, elle promit.

Elle sembla pendant quelques jours ne plus songer à sa promesse : l’enfant ne lui parlait plus de rien ; mais un matin, et comme déjà elle se flattait qu’il eût oublié sa pensée, Bernard y fit une allusion fort transparente bien que d’un