Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/24

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époques, parce que les sucs nourriciers y sont répandus, depuis le bout des racines, par le tronc et les branches ; le son perce les murs, et se coule dans les maisons fermées ; le froid atteint et glace les os : ce qui ne pourrait se faire, si tous ces corps ne trouvaient des vides qui leur donnent passage.

Enfin, pourquoi certains corps sont-ils de différents poids sous des volumes égaux  ? (1, 361) Si un flocon de laine contient autant de matière que le plomb, il doit peser également sur la balance, puisque le propre des corps est de tout précipiter en bas. Le vide seul manque, par sa nature même, de pesanteur. Aussi, lorsque deux corps sont de grandeur égale, le plus léger annonce qu’il y a en lui plus de vide ; le plus pesant, au contraire, accuse une substance plus compacte et plus riche.

La matière renferme donc évidemment ce que j’essaye d’expliquer à l’aide de la raison, et que je nomme le vide.

(1, 371) Mais, afin que rien ne puisse te détourner du vrai, je dois prévenir l’objection que des philosophes se sont imaginé de nous faire. Suivant eux, de même que les flots cèdent aux efforts des poissons et leur ouvrent une voie liquide, parce que les poissons laissent après eux des espaces libres, où se réfugient les ondes obéissantes, de même les autres corps peuvent se mouvoir de concert, et changer de place, quoique tout soit plein. Ce raisonnement est entièrement faux : car où les poissons peuvent-ils aller, (1, 380) si la vague ne leur fait place ? et si les poissons demeurent immobiles, où les eaux trouveront-elles un refuge ? Il faut donc ou ôter le mouvement aux corps, ou admettre qu’il y a du vide mêlé à la matière, et que la matière entre en mouvement à l’aide du vide.

Enfin si deux corps plats et larges, qui se touchent, se séparent tout à coup, il se fait entre ces deux corps un vide qui doit être nécessairement comblé par l’air. Mais quoique l’air enveloppe rapidement et inonde cet espace, tout ne peut (1, 390) se remplir à la fois ; car il faut que l’air envahisse d’abord les extrémités, et ensuite le reste. Peut-être croit-on que l’air antérieurement condensé se dilate quand les corps se séparent ; mais on se trompe, car il se fait alors un vide qui n’existait pas, et un vide qui existait se comble. D’ailleurs, l’air ne peut se condenser de la sorte ; et quand même ce serait possible, le vide lui serait encore nécessaire, je pense, pour rapprocher ses parties et se ramasser en lui-même. Ainsi, quelques détours que tu cherches pour échapper à l’évidence, (1, 400) tu es obligé enfin de reconnaître que la matière renferme du vide.

À ces arguments je pourrais en joindre beaucoup d’autres, qui donneraient un nouveau poids à mes paroles ; mais il suffit de quelques traces légères pour acheminer ton esprit pénétrant à la