Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/27

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en renferment, il faut que de la matière solide l’enveloppe ; car on ne prouvera jamais par la saine raison que des corps recèlent et emprisonnent le vide, sans avoir de substance solide qui le contienne. Or, il n’y a que les assemblages de corps simples qui puissent enfermer et contenir le vide : de là résulte que les éléments, étant solides, (1, 520) subsistent éternellement, tandis que les autres corps tombent en ruine.

En outre, s’il n’y avait pas d’étendue sans matière, toute la nature serait solide ; et si, au contraire, il n’y avait pas de corps qui remplissent exactement l’espace qu’ils occupent, le monde formerait un vide immense. Mais la matière et l’étendue sont bien distinctes, puisque tout n’est pas plein et que tout n’est pas vide : il existe donc certains corps qui séparent le vide du plein.

Ces corps ne se brisent jamais sous un choc extérieur, (1, 530) et rien ne peut les pénétrer à fond et les dissoudre ; car ils sont inaltérables et indestructibles, comme je te l’ai montré un peu plus haut. Et, en effet, on ne conçoit pas que, sans le vide, les corps puissent se heurter, se rompre, se fendre, ou donner passage à l’humidité, au froid, et au feu plus pénétrant encore, qui consument tous les êtres. Plus un corps renferme de vide, plus ils l’attaquent profondément et le dévorent : de sorte que si les corps sont solides et manquent de vide, (1, 540) comme je te l’ai enseigné, ils doivent aussi être impérissables.

Si la matière n’était pas éternelle, le monde eût déjà retourné au néant, et le néant eût enfanté tout ce que nous voyons aujourd’hui. Mais comme j’ai prouvé aussi que rien ne sort du néant et que rien ne peut y retomber, il faut des éléments impérissables, et en qui toute chose se résout à son heure suprême, pour que la matière soit à même de réparer ses pertes. Les éléments sont donc simples et solides, et ils ont pu, à cette condition seule, durer autant que les âges, et renouveler les êtres depuis des temps infinis.

(1, 550) Enfin, si la nature n’eût mis des bornes à la fragilité des corps, les éléments de la matière, déjà brisés par les siècles [552], seraient tellement appauvris, que les êtres formés de leur assemblage ne pourraient arriver au terme de leur croissance dans un temps fixe ; car on voit que tout se ruine plus vite que tout ne se reproduit, et par conséquent le reste des âges ne suffirait pas à réparer les corps que cette longue suite de siècles maintenant écoulés (1, 560) eussent rompus et mis en poussière. Mais il est évident que leur fragilité a des limites invariables, puisque nous voyons toutes les espèces se renouveler, et atteindre dans un espace déterminé la fleur de leur âge.

Cependant, quoique les éléments soient solides, ajoutons que toutes les choses qui naissent, étant mêlées de vide, peuvent être molles comme l’air, l’eau, la terre, les chaudes vapeurs, quelle que soit la cause de leur peu de consistance. (1, 571) Mais au contraire, si les éléments étaient mous, on