Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/315

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tirera de la lice sans un présent de mes mains. Je vous donnerai deux javelots armés d’un fer poli, avec une hache à deux tranchants ciselée en argent ; cette récompense sera commune à tous. Les trois premiers vainqueurs recevront trois prix, et l’olivier triomphal ceindra leurs fronts. (5, 310) Au premier je destine un coursier richement équipé ; au second, un carquois d’Amazone, rempli de flèches de Thrace, qu’embrasse un large baudrier d’or, et que noue une agrafe de luisantes pierreries : que le troisième s’en retourne content de ce casque, dépouille d’un Grec. »

Il dit, chacun prend sa place, le signal est donné ; et tous, quittant la barrière, s’emportent à travers l’espace, et s’y répandent comme un tourbillon : tous fixent de l’œil le but. À leur tête, Nisus court, bondit, laissant les autres loin derrière lui, plus rapide que le vent et que l’aile du tonnerre. (5, 320) Salius le suit, mais le suit à une grande distance ; et à son tour il laisse un large espace entre Euryale et lui. Euryale a les devants sur Helymus, derrière qui vole Diorès ; Diorès, qui déjà presse de son pied sa trace, penché sur son épaule ; et s’il y avait plus d’espace à franchir, il s’échapperait devant lui, ou laisserait la victoire incertaine. Déjà ils étaient arrivés à l’extrémité de la carrière et ils touchaient au but, quand le malheureux Nisus tomba ; il avait glissé sur le terrain et sur le vert gazon, trempés du sang des taureaux qui y avaient été récemment immolés. (5, 331) Là le jeune homme, déjà vainqueur, déjà triomphant, ne peut retenir ses pas chancelants sur le sol ; il roule étendu sur l’herbe fangeuse et humide encore du sang des sacrifices. Dans son malheur au moins il n’oublie pas Euryale, son cher Euryale : mais, se relevant soudain du sol qui l’a trahi, il s’oppose à Salius, qui tombe précipité sur l’épaisse arène. Euryale passe comme l’éclair, et, vainqueur par cette tendre ruse de l’amitié, il tient la tête des coureurs, et vole au milieu des cris et des frémissements de la foule enivrée. Hélymus arrive après lui, et la troisième palme est à Diorès. (5, 340) Cependant Salius remplissait de ses clameurs l’immensité du cirque, et jetait ses plaintes aux premiers rangs de l’amphithéâtre. Il réclame pour lui l’honneur que la ruse lui a ravi. Euryale a pour lui la faveur de l’assemblée, ses larmes qui le font paraître plus charmant, sa vertu encore plus gracieuse, unie à un beau corps. Diorès le soutient ; il s’emporte, il s’écrie qu’il a vainement approché de la victoire et gagné le troisième prix, si le premier est décerné à Salius. Alors Énée : « Jeunes gens, les récompenses que je vous ai promises vous sont assurées, et personne n’a rien changé à l’ordre des prix. (5, 350) Souffrez seulement que je console un ami malheureux. » Il dit, et donne à Salius l’immense dépouille d’un lion de Gétulie, avec ses crins touffus et ses ongles d’or. Alors Nisus ; « Si la part des vaincus est si belle, et si vous avez pitié de ceux qui tombent, que réservez-vous donc à Nisus qui soit digne de lui, à Nisus qui eût mérité la première couronne, si la fortune en-