Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/318

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il revient contre Darès étourdi, et le pousse çà et là dans l’arène, redoublant ses coups et de la main droite et de la gauche, sans trêve ni répit : comme tombe des nuages sur nos toits la grêle serrée et retentissante, ainsi pleuvent les coups sur Darès ; (5, 460) ainsi de ses deux bras précipités Entelle chasse et culbute Darès.

Énée ne souffrit pas que la colère d’Entelle allât plus loin, et que le vieil athlète s’emportât jusqu’aux fureurs de la vengeance ; il mit fin à la lutte, arracha aux mains d’Entelle Darès épuisé, et le consola par ces douces paroles : « Malheureux, quelle démence s’est emparée de toi ? Ne sens-tu pas une force autre que celle d’un bras mortel, et que le ciel est contre toi ? Rends les armes à un dieu. » Il dit, et de la voix arrête le combat. Les amis de Darès l’emportent de l’arène, se traînant sur ses genoux rompus, abandonnant deçà et delà sa tête flottante, (5, 470) et rejetant de sa bouche un sang épais avec ses dents brisées : ils le ramènent vers les vaisseaux, et reçoivent le casque et l’épée promis au vaincu ; ils abandonnent à Entelle la palme et le taureau. Alors Entelle vainqueur, et fier du prix de la victoire, s’écrie dans le transport d’un juste orgueil : « Fils de Vénus, et vous, Troyens, connaissez aujourd’hui Entelle, et voyez quelle a été la vigueur de ses jeunes ans, et de quelle mort vous avez rappelé Darès. » Il dit, se présente en face du taureau, prix du combat, se dresse, et de son bras droit ramené en arrière lui assène entre les deux cornes un si rude coup de son ceste, (5, 480) qu’il lui brise le crâne et en fait jaillir la cervelle. Le taureau s’ébranle, chancelle, tombe. « Éryx, s’écrie alors Entelle, reçois cette victime, plus digne de toi que Darès : vainqueur pour la dernière fois, je dépose mon ceste et je renonce à mon art. »

Aussitôt Enée invite au combat de l’arc ceux qui s’y veulent signaler, et propose des prix. Lui-même d’un bras vigoureux élève un mât tiré du vaisseau de Sereste, au haut duquel une colombe, but mobile des flèches, est attachée et se débat suspendue. (5, 490) Les rivaux accourent, et leurs noms sont jetés dans un casque pour être tirés au sort. Le premier qui est proclamé au milieu des applaudissements de la foule est celui d’Hippocoon, fils d’Hyrtacus : après lui sort le nom de Mnesthée, tout à l’heure vainqueur dans le combat des galères, de Mnesthée encore ceint de la verte branche de l’olivier. Le troisième est Eurytion, ton frère, ô illustre Pandarus, toi qui, pour obéir à Minerve, rompant tout à coup les traités de Troie, lanças un trait au milieu des Grecs. Aceste est le dernier dont le nom sort du casque ; Aceste, qui ose encore, dans ses vieux ans, tenter les vifs exercices de la jeunesse. (5, 500) Chacun alors courbe de toutes ses forces son arc flexible, et tire les flèches du carquois. La première que pousse au ciel la corde frémissante, est celle du jeune fils d’Hyrtacus : elle fend les airs, touche au mât, le perce et l’ébranle : l’oiseau s’effraye et bat de l’aile ; l’arène retentit d’immenses applaudissements. L’ardent Mnesthée s’avance, l’arc bandé, visant à la cime du mât, l’œil et le trait tendus