Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/358

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tins, vous payerez de votre sang ces emportements sacrilèges ! et toi, Turnus, un triste supplice t’attend, et tu imploreras, mais trop tard, les inflexibles dieux. Pour moi, le repos m’est assuré, et je touche au port : je ne perds qu’une mort tranquille. » Il dit, (7, 600) se renferme dans son palais, et abandonne les rênes de son empire.

Il y avait dans le Latium un usage antique, depuis révéré par toutes les villes du royaume d’Albe : aujourd’hui la reine des cités, Rome l’observe, quand elle ouvre à Mars la carrière des combats : soit qu’on se prépare à porter la guerre et la désolation aux Gètes, aux Hyrcaniens, ou aux Arabes, soit qu’on menace l’Indien, et que, poussant jusqu’aux contrées de l’Aurore, on aille redemander aux Parthes nos étendards. Le temple de la guerre a deux portes, que la religion et la crainte du cruel Mars ont consacrées ; elles sont fermées par cent verrous d’airain et par d’éternelles (7, 610) barres de fer ; et Janus ne cesse point d’en garder le seuil. Lorsque le sénat a décrété la guerre, le consul lui-même, revêtu de la trabée romaine, ceint de la robe Gabienne, et dans toute la pompe de ses insignes, ouvre les portes, et les fait crier sur leurs gonds. Lui-même il appelle les combats ; toute la jeunesse romaine le suit ; et les sons rauques du clairon répondent à l’immense cri de guerre. Avant de se déclarer contre les Troyens, Latinus devait obéir à cette coutume antique, et ouvrir les portes fatales. Mais le vieux roi ne les toucha même pas, et, rejetant loin de lui ce ministère horrible, il s’enfonça dans sa ténébreuse solitude. (7, 620) Alors la reine des dieux descend du ciel, pousse elle-même de ses mains impatientes les portes du temple, les fait tourner sur leurs gonds, et rompt les barrières de fer qui retiennent la Guerre. Voilà l’Ausonie en feu, l’Ausonie jusqu’alors immobile dans la paix. Les uns s’avancent, fantassins intrépides ; les autres, montant de superbes coursiers, bondissent sur la poudreuse arène : tous cherchent des armes. Ceux-ci essuient leurs boucliers, et font reluire leurs dards dérouillés ; ceux-là aiguisent le tranchant de leurs haches. On déploie à l’envi les étendards ; on s’anime au son des trompettes. Cinq grandes villes à la fois font retentir l’enclume (7, 630) et forgent des armes : ce sont la puissante Atine, le superbe Tibur, Ardée, Crustumère, Antemne couronnée de tours. On creuse les casques qui doivent couvrir d’un impénétrable airain le front des guerriers ; le saule s’arrondit en bouclier ; ici l’airain trempe les cuirasses ; là l’argent, amolli par la flamme, s’allonge en brillants cuissards. Le soc perd ses honneurs, on délaisse et la faux et la charrue. Tous replongent dans la fournaise les glaives de leurs pères. Déjà les trompettes sonnent, déjà les ordres courent de rang en rang. Celui-ci tout en alarme saisit son casque, celui-là range sous le joug ses coursiers frémissants ; l’un charge son bras de son bouclier, (7, 640) l’autre ceint sa fidèle épée.

Muses, dévoilez à mes yeux les secrets de l’Hélicon, et daignez exciter ma voix. Dites-moi les noms des rois engagés dans cette guerre fameuse ;