Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/388

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cœurs ; un même gémissement éclate dans tout le camp ; la douleur a brisé et engourdi les courages. (9, 500) La malheureuse mère troublait les airs de ses cris lugubres, quand Idée et Actor, par l’ordre d’Ilionée et d’Ascagne en pleurs, l’enlèvent, et la portent dans leurs bras sous son toit désolé.

Cependant les sons terribles de la trompette, échappés de l’airain frémissant éclatent au loin ; des cris y répondent, et le ciel en mugit. Déjà les Volsques, sous la voûte serrée de leurs boucliers unis, s’avancent à la hâte, et se préparent à combler les fossés, à arracher les palissades. D’autres cherchent un accès pour l’escalade là où les soldats sont plus rares, où paraissent s’éclaircir Ieurs files (9, 509) moins serrées. Les Troyens de leur côté font pleuvoir sur l’ennemi toute sorte de traits, et le repoussent avec des pieux aux dures pointes ; une longue guerre les a accoutumés à défendre des murs assiégés. Ils roulaient aussi des pierres d’un poids effroyable, pour rompre le toit mobile de l’épaisse tortue ; inébranlable, elle supporte un moment les plus rudes chocs ; enfin elle va céder : là ou la troupe ennemie devient plus pressante, les Troyens roulent et précipitent une masse immense, qui écrase au loin les Rutules, et qui rompt la voûte des boucliers. Alors les audacieux Rutules renoncent à cette aveugle attaque ; ils ne veulent plus que chasser à coups de traits les assiégés de leurs remparts. (9, 521) D’une autre part Mézence, à la mine terrible, secouait une torche étrusque, et s’avançait portant des feux mêlés de fumée. En même temps Messape, le dompteur de coursiers, le fils de Neptune, arrache une palissade, et demande des échelles pour monter à l’assaut.

Muses, toi surtout Calliope, soutenez ici ma voix : racontez-moi le carnage et les morts qui signalèrent le bras de Turnus ; dites-moi combien de guerriers furent précipités dans l’Orcus, et déroulez avec moi les grandes scènes de cette guerre. Muses, vous vous en souvenez, et vous pouvez les décrire.

(9, 530) Une tour s’élevait, haute et dominant au loin la plaine de ses nombreux étages : avantageusement située, les assiégeants rassemblaient contre elle toutes leurs forces, et déployaient pour la renverser toutes les ressources de l’attaque. Les Troyens la défendaient avec vigueur, et par ses mille ouvertures faisaient pleuvoir une grêle de pierres et de traits. Turnus le premier lance contre la tour une torche ardente : la flamme s’attache à ses flancs ; accrue par le vent, elle saisit d’étage en étage les plafonds et les portes, les embrase et les dévore. Les assiégés s’agitent dans le trouble et l’effroi, et veulent en vain fuir le mal qui les poursuit. Tandis qu’ils se ramassent, et se retirent (9, 540) vers l’endroit que l’incendie épargne encore, la tour surchargée s’écroule tout à coup avec un horrible fracas, dont le ciel retentit. Entraînés par l’immense masse, les Troyens tombent demi-morts, percés de leurs propres armes, ou par les éclats des poutres brisées : Hélénor et Lycus sont presque les seuls qui échappent. Hélénor, le plus âgé des deux, était fils du roi de Méonie et de l’esclave