Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

grandes distances, les autres s’écartent moins, et s’unissent même sous le choc. (2, 99) Les atomes qui forment un amas plus compacte, qui voltigent ensemble sans se repousser à peine, parce que leurs formes inégales s’adaptent et s’entrelacent, sont la base solide des rocs et composent la dure substance du fer, ainsi que le petit nombre des autres corps de même nature. Les atomes, au contraire, qui rejaillissent au loin quand ils se frappent, et qui demeurent flottants et dispersés dans l’espace, nous donnent le maigre fluide des airs et les feux éclatants du soleil.

Bien des atomes encore flottent au hasard dans le grand vide, qui sont exclus de tous les assemblages, et qui, (2, 110) incorporés dans la masse, ne peuvent y associer leur mouvement. Nous avons toujours un exemple, un simulacre de ces corps dont je parle, placé devant les yeux. Vois le soleil qui verse sa lumière par les ouvertures de cet appartement obscur : tu apercevras mille corps déliés qui se croisent et se jouent de mille manières dans le sillon lumineux. On dirait que ces corps se livrent une bataille éternelle : ils s’attaquent et s’entre-choquent comme des escadrons ennemis, et se mêlent et se séparent pour se mêler encore. (2, 120) Tu peux ainsi te représenter ce que doit être le mouvement des atomes sans cesse ballottés dans le vide : du moins autant que les petites choses figurent les grandes, et nous amenent à les connaître.

Tu dois observer avec d’autant plus de soin ces corps qui se pressent en désordre dans un rayon de soleil, que leur agitation révèle les agitations semblables et les luttes invisibles de la matière. Car on les voit changer mille fois de route, frappés de coups imperceptibles qui les rejettent en arrière, (2, 130) les poussent à droite, les chassent à gauche, de tous côtés, en tous sens : or ces écarts ces mille détours, proviennent du choc des atomes.

En effet, les atomes commencent par se mouvoir eux-mêmes ; puis ils vont frapper les plus petits assemblages, dont les volumes sont le mieux proportionnés à leur force. Ces assemblages, emportés par le choc, ébranlent à leur tour des masses un peu plus fortes : et ainsi le mouvement qui part des atomes se propage de corps en corps, et devient enfin sensible dans ceux que nous voyons tournoyer au soleil, (2, 140) sans apercevoir toutefois ce qui les frappe, ce qui les agite.

Maintenant, ô Memmius, apprenons en peu de mots combien est rapide le mouvement des atomes. Quand l’Aurore verse ses premiers feux sur la terre ; quand les oiseaux, voltigeant au fond des bois solitaires, remplissent le ciel de leurs voix harmonieuses, tout le monde sait, tout le monde voit avec quelle promptitude le soleil, à peine levé, dore toute la nature de sa lumière naissante. Pourtant les vaporeux atomes émanés du soleil, et qui forment cette lumière, (2, 150) ne traversent point un espace vide ; car ils sont