Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

(2, 260) ni en lieu déterminé, mais au gré du caprice qui les emporte ? Car il est incontestable que leur volonté, à tous, est le principe du mouvement, et la source dont il jaillit pour se répandre dans les organes. Ne remarques-tu pas, quand on ouvre tout à coup la barrière, que l’impatient coursier ne peut s’élancer aussi vite que le voudrait son âme ardente ? Il faut d’abord que l’abondante matière du corps entier s’ébranle au fond de chaque membre et s’y ramasse, afin de suivre le penchant du cœur. (2, 269) Ainsi le mouvement se forme dans les âmes, et il part de la volonté, qui le transmet aux membres et au reste du corps.

Il n’en est pas de même lorsque nous avançons poussés par un choc extérieur, et que de grandes forces nous impriment une vaste secousse : car alors il est clair que toute notre substance se meut et s’emporte malgré nous, jusqu’à ce que la volonté saisissant les membres arrête sa course. Tu le vois donc : quoique des forces étrangères nous entraînent, nous précipitent, il y a pourtant au fond de notre cœur (2, 280) une puissance qui lutte, qui fait obstacle, qui ébranle souvent à son caprice la masse du corps en agitant les articulations et les membres, qui la pousse, la retient ensuite, et la rejette dans son inertie.

Ainsi, tu es encore obligé de reconnaître qu’il y a chez les atomes, outre la pesanteur et le choc, un autre principe de mouvement qui leur donne cette puissance, puisque nous avons déjà vu que rien ne peut naître de rien. Car la pesanteur empêche sans doute que tout ne provienne du choc et des impulsions étrangères ; mais pour que les âmes ne soient pas soumises, (2, 290) quand elles agissent, à une nécessité intérieure qui les dompte en quelque sorte et les réduit à une obéissance passive, il faut un léger écart des atomes, et non pas à temps fixe ni dans un espace déterminé.

Les éléments ne furent jamais plus compacts ou plus écartés que de nos jours, parce que la matière ne subit ni accroissement ni perte. Les atomes se meuvent donc aujourd’hui comme dans les siècles passés, et le même mouvement les emportera dans les siècles à venir ; (2, 300) et, par suite, les corps qui avaient coutume de naître naîtront encore suivant les mêmes lois, et ils pourront vivre, croître, prendre des forces, autant que les lois de sa nature le permettent à chacun. Aucune force ne peut changer le monde ; car il n’est aucun endroit qui offre un refuge aux atomes échappés de la masse, ou un siège à des forces nouvelles qui puissent envahir la nature, la bouleverser, et détourner le cours du mouvement universel.

Quoique tous les éléments se meuvent, on ne doit pas être surpris (2, 310) de ce que la masse semble demeurer immobile, sauf les corps qui ont un mouvement propre. Car la nature des éléments est enfouie dans les ténèbres, hors de la portée des sens ; et, si leur essence échappe à ta vue, il faut bien qu’ils te dérobent aussi leurs agitations,