Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/443

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au flanc, et lui enfonce son épée nue entre les côtes et dans les tendres tissus de la poitrine, là où pénètre le plus tôt la mort. Turnus voit venir à lui Amycus et son frère Diorès ; (12, 510) il met pied à terre, les attaque tous deux, renverse l’un de son cheval, le perce de sa longue javeline, frappe l’autre de son épée ; il coupe leurs têtes, les suspend à son char, et les emporte ruisselantes de sang. Énée combat et immole à la fois Talon, Tanaïs, le brave Céthégus, et envoie dans l’Orcus le triste Onytès, né à Thèbes et fils de Péridie. Turnus, à son tour, massacre deux frères venus de la Lycie et des campagnes chères à Apollon, et le jeune Ménète d’Arcadie, qui abhorrait en vain la guerre : pêcheur, il exerçait son art sur les bords du lac de Lerne ; sa famille était pauvre, et ne connaissait pas les soins des grands ; (12, 520) son père semait des terres qu’un autre possédait. Semblables à des feux jetés aux deux extrémités d’une forêt aride, là où le vent fait résonner les branches du laurier ; ou tels que, descendant par bonds rapides du sommet des montagnes, deux torrents écumeux courent avec fracas dans la plaine, et ravagent chacun la route qu’ils se sont frayée ; aussi impétueux Énée et Turnus se précipitent dans les combats ; ainsi bouillonnent tour à tour et éclatent leurs cœurs invincibles ; ainsi ils courent de toutes leurs forces semer les blessures. Murranus, qui faisait sonner les antiques noms de ses cent aïeux (12, 530) et descendre sa race entière des rois du Latium, est assailli par Énée, qui lui lance un rocher tourbillonnant, le renverse et l’étend à terre. Tombé sous le joug et parmi les rênes de son char, entraîné par les roues, ses coursiers, précipitant leurs pas, foulent de leur corne fangeuse leur maître qu’ils méconnaissent. Hyllus courait sur Turnus, le cœur bondissant de rage ; Turnus lui lance un javelot qui atteint ses tempes qu’ombrageait l’or, traverse sa cuirasse et s’enfonce dans sa cervelle. Et toi, Crétée, le plus brave des Grecs, ton bras ne peut t’arracher à celui de Turnus ; Cupence non plus n’est pas défendu par ses dieux (12, 540) du choc d’Énée ; il livre sa poitrine au fer du Troyen, et l’airain de son bouclier ne pare pas le coup qui abat le malheureux. Et toi aussi, Éole, les champs laurentins te virent succomber, et couvrir au loin la terre de ton corps ; tu péris, toi que ne purent abattre ni les phalanges argiennes, ni Achille, le destructeur de l’empire de Priam : c’est là que le destin avait marqué le terme de ta vie ; tu avais un beau palais sous l’Ida, un beau palais à Lernesse ; le sol de Laurente est ton tombeau. Les Latins, les Troyens, tous recommencent la mêlée ; c’est Mnesthée, c’est l’ardent Séreste, (12, 550) c’est Messape le dompteur de coursiers, c’est le brave Asylas ; ce sont les phalanges toscanes, les escadrons arcadiens d’Évandre : chacun déploie toutes les ressources de son courage ; point de cesse, point de répit ; c’est un vaste et opiniâtre combat.

Cependant la belle Vénus inspire son fils ; elle veut qu’il marche vers les murs de Laurente, qu’il porte à l’instant ses forces contre la ville,