Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/492

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nord-ouest du cap Konello dans la Morée. Elles ont été visitées par Spon : elles sont fort basses ; la plus grande, qui n’a pas plus de quatre milles de circuit, est fertile, bien habitée, et abondante en sources.

C. A. Walckenaer.

v. 270. Jam medio adparet fluctu nemorosa Zacynthos, Dulichiumque, Sameque, et Neritos ardua saxis. Zacynthos, aujourd’hui Zante, ne mérite plus l’épithète de nemorosa, que lui donne Virgile d’après Homère ; et les hautes montagnes qui abritent ses trois vallées, quoique bien cultivées, sont nues, et dépouillées des forêts qui l’ombrageaient. Denys d’Halicarnasse rapporte qu’Énée construisit à Zacynthe un temple à Vénus, et y institua des jeux encore en vigueur du temps d’Auguste. À cette époque les jeux de la course se nommaient la course d’Énée et de Vénus[1]. Samé est la grande île de Céphallonie, plus connue depuis sous le nom de Cephallenia. Quant à Dulichium et à Néritos, ou ne sait à quelles îles modernes elles répondent. D’Anville prétend que la première est la même qu’Ithaque, et que Néritos est Leucade ; mais l’exactitude de Virgile, qui distingue ces îles et devait les connaître, nous fait croire qu’il se trompe. D’ailleurs Méla s’accorde avec Virgile relativement à Néritos ; nous osons même dire que le sentiment unanime des géographes modernes, qui rapportent Ithaque à Theaki moderne, n’est pas sans quelques difficultés, malgré l’ouvrage que vient de publier M. Gell[2]. Si nous commentions Homère, il serait de notre devoir d’approfondir toutes ces questions ; mais nous suivons Énée, et, comme lui,

Nous fuyons le berceau de l’exécrable Ulysse,

et nous abordons aux rivages plus connus de Leucade, aujourd’hui Sainte-Maure. Denys d’Halicarnasse dit qu’Énée bâtit un temple à Vénus dans l’île de Leucade, que l’on appelait le temple de Vénus-Æneas ; il en construisit un autre à Actium, qui subsistait encore du temps de Virgile, et un troisième à Ambracie[3]. Le mont de Leucade, si redouté des navigateurs et si funeste aux amants, porte aujourd’hui le nom de Capo Ducato ; et le cap du continent qui lui est opposé rappelle l’ancien nom d’Actium dans le nom moderne d’Azio. Enfin, en côtoyant la Chaonie, et remontant vers le nord, Énée aperçoit la ville et l’île des Phéaciens, c’est-à-dire Corcyre[4], aujourd’hui Corfou. Vis-à-vis de cette île et sur une hauteur du continent opposé, on aperçoit les ruines de l’ancienne ville de Buthrotum[5], dont la position était par conséquent conforme à l’indication de Virgile :

Et celsam Buthroti ascendimus urbem.

Ce lieu porte le nom de Butrinto, et la capitale du Troyen Hellanicus est devenue le siège d’un évêché grec. Denys d’Halicarnasse nous apprend qu’Énée construisit un temple à Onchesme, près de Buthrote[6], et qu’il se rendit de ce dernier lieu à Dodone, pour consulter l’oracle. Enée, parti de Crète, et remontant au nord de Buthrotum, pour se rendre en Italie, a l’air de faire un long détour ; mais de son temps, où l’on ne quittait point la terre de vue, il suivait la route directe.

v. 350. Et arentem Xanthi cognomine rivum, etc. Une chose remarquable, c’est que ce que dit Virgile de ce petit ruisseau qui représentait le Xanthe, la Condamine le dit et du Xanthe et du Simoïs : « En les voyant, on s’aperçoit de l’illusion qu’ont faite au monde les beaux vers d’Homère »

v. 429. Præstat Trinacrii metas lustrare Pachyni. L’inspiré des dieux recommande au héros troyen, lorsqu’il aura franchi la Sicile et atteint les côtes occidentales de l’Italie, de s’arrêter à Cumes, ville située sur le rivage de la Campanie, aujourd’hui la Terre de Labour, et dont on voit encore les vestiges près de Puzzuolo, qui est Dicearcha. Cumes, fondée par des Grecs de l’île d’Eubée (île Négrepont), était, selon Strabon, la plus ancienne des villes grecques de la Sicile et de l’Italie ; et le territoire volcanique qui l’environnait formait les fameux champs Phlégréens, théâtre de l’aventure des Géants et d’autres prodiges mystérieux : c’est là qu’était la Sibylle qu’Énée devait consulter, afin de recevoir les instructions nécessaires pour terminer son voyage ; car l’implacable déesse, fille de Saturne, qui régna sur le Latium, promis par le destin à Énée, Junon enfin, interdit la connaissance du reste à Hélénus :

Scire Helenum farique vetat Saturnia Juno.

Je ne remarquerai pas avec quel art admirable Virgile, jusque dans les épithètes en apparence les plus indifférentes, rappelle sans cesse aux Romains l’histoire de l’Italie, les origines sacrées de leur culte, et les souvenirs antiques de leur patrie. Si mes notes ne font pas comprendre tout le mérite de ce grand poëte sous ce rapport, elles ont manqué leur but.

C. A. Walckenaer.

v. 506. Provehimur pelago vicina Ceraunia juxta. En sortant de Buthrote, Énée remonte encore vers le nord, et suit la côte de l’Épire qu’habitaient les Chaones, afin d’atteindre les monts Cérauniens, aujourd’hui les monts Kimara, parce que cette terre est la plus rapprochée des côtes de l’Italie, vers lesquelles il se dirige et qu’il doit suivre ensuite.

Unde iter Italiam, cursusque brevissimus undis.

C. A. Walckenaer.

Nota. Le livre IV n’a donné lieu à aucune note.


LIVRE V.

v. 23… Nec litora longe Fida reor fraterna Erycis, portusque Sicanos, etc. Éryx, selon la fable, était fils de Vénus et de Butès : il régnait sur un canton de la Sicile, appelé de son nom Érycie. Se croyant invincible aux exercices du pugilat et du ceste, il osa défier Hercule, et fut tué dans le combat. Virgile appelle les bords de cette contrée litora fraterna, parce qu’Enée était aussi fils de Vénus, et par conséquent frère d’Éryx. Non loin même fut bâti un temple à Vénus qu’on surnomma Érycine.

Tum vicina astris Erycino in vertice sedes
Fundatur Veneri Idaliæ,

comme le dit Virgile à la fin de ce même livre.

v. 32… Hæc urbi dicta, petunt portus, etc. Le port où relâche Énée est celui de Drépane, maintenant Tropano, au pied du mont Saint-Julien, autrefois le mont Éryx, dans le val de Mazara.

v. 120… Terno consurgunt ordine remi. Virgile donne ici les arts de son temps au siècle d’Énée. À l’époque du siège de Troie on ne connaissait point les navires à plusieurs rangs. C’est par le même privilège qu’il a placé

  1. Dionys. Halicarn., lib. I, § 50 ; Larcher, mémoire sur Vénus, p. 145.
  2. Gells topography and Antiquities of Ithaca, in-4o, 1807. L’auteur ne dit rien des mesures que nous donne Strabon, et c’est surtout ce point qu’il fallait discuter.
  3. Larcher, mémoire sur Vénus.
  4. Telle paraît avoir été l’opinion générale du temps de Virgile ; lorsqu’on lit attentivement l’Odyssée, cette opinion éprouve de bien fortes objections. Les Romains arrangeaient la géographie d’Homère à leur manière. Nous voyons par Strabon que le fil des traditions était depuis longtemps perdu.
  5. Pouqueville, Voyages en Morée, tom. III, page 14.
  6. Dionys. Halicarnas, Antiq. romanæ, lib. I, § 51 ; Palmier de Grent-mesnil, Græciæ antiqu., lib. Il, page 245 ; Larcher, mémoire sur Vénus, page 145.